Sang Mêlé jouera à chacune de ces dates
Sang Mêlé jouera à chacune de ces dates
Le "Torchon Brule Attisons-le !" association féministe et révolutionnaire de Limoges vous convie à une journée contre les violences faites aux femmes.
Le programme:
Il y a 70 ans ils assassinaient Auguste Delaune.
Auguste Delaune représente une figure incontournable de l’histoire de la Fédération Sportive et Gymnique du Travail (FSGT). Son patronyme reste notamment attaché à sa Coupe nationale de football, mais aussi à de nombreuses installations sportives à travers le pays, dont évidemment l’enceinte du glorieux Stade de Reims. Mais qui connaît vraiment son histoire ?
Né le 26 septembre 1908 près du Havre, il devient ouvrier soudeur et rejoint rapidement le combat syndical dans les rangs de la CGTU (rassemblant communistes, syndicalistes révolutionnaires et libertaires). En 1923, il adhère à un club sportif ouvrier, puis contribue à fonder le comité régional FST (Fédération Sportive du Travail) de Normandie. En 1926, sa famille part s’installer à Saint-Denis en région parisienne. Il remporte ainsi, en 1928, le cross du journal l’Humanité, preuve qu’il restait d’abord un pratiquant passionné. De retour de son service militaire, il monte au secrétariat général national de la FST, puis se retrouve coopté au Comité exécutif de l’Internationale rouge des sports. Toujours militant communiste et des JC, il est à ce titre envoyé avec sa première épouse Lise Ricole, futur London, en formation politique à Moscou.
Revenu en France, il prend part aux pourparlers unitaires avec les socialistes de l’Union des Sociétés Sportives et Gymniques du Travail (USSGT) qui donnent naissance, en décembre 1934, à la FSGT dont il devient un des dirigeants nationaux de premier plan (la présidence échoit conjointement au communiste Georges Marrane et au socialiste Antonin Poggioli). Mobilisé à l’automne 1939, Auguste Delaune traversa héroïquement la campagne de France en mai-juin 1940, honoré de la Médaille militaire et de la Croix de guerre. Ce qui n’empêche nullement Vichy de l’arrêter et l’interner le 6 décembre. Il s’évade du camp de Châteaubriant le 21 novembre 1941, pour rejoindre la Résistance, notamment en lançant le réseau Sport Libre (et la revue clandestine du même nom) dénonçant la politique de collaboration dans le sport (en particulier la persécution des sportifs juifs), puis s’engage au sein des Jeunesses communistes clandestines. La police du Mans (Sarthe) lui tendit un guet-apens le 27 juillet 1943 sur le pont de Coëffort. En dépit d’une tentative avortée de libération, il est transféré à la prison du Vert-Galant au Mans. Il succombera aux tortures de la Gestapo le 12 septembre sans avoir parlé, juste livré son faux nom, Paul Boniface.
Article émanant de "Sport et plein air" de septembre, revue mensuelle de la FSGT s'inscrivant dans la longue tradition des revues du sport travailliste qui existent depuis 1920:
(Diffusion de tract)
Tu as peut-être déjà remarqué ces des autocollants noirs et jaunes signés "Génération Identitaire" devant ton lycée ou en centre-ville. Ils ont surement attiré ton attention mais tu ne connais peut-être pas leur signification...
Petit historique :
Génération Identitaire fait partie du Bloc Identitaire, une organisation raciste, d'inspiration fasciste, homophobe et sexiste qui cache son véritable visage derrière le masque des identités régionales, des héritages culturels et de la promotion des terroirs et des traditions. En effet, ce mouvement identitaire vient de "Unité Radicale", un groupuscule ultra-violent se réclamant du nationalisme révolutionnaire (courant politique du nazisme d'Hitler) qui tente d'assassiner le président de la République en juillet 2002. Unité Radicale est alors dissoute par la justice et ses chefs créent une nouvelle organisation : le "Bloc Identitaire".
Le vrai visage de Génération Identitaire (G.Id) :
Bien que plus attrayante aujourd'hui, G.Id n'as pas pour autant fait disparaitre la violence à caractère raciste, fasciste ou discriminant, rappelons que les chefs historiques comme Fabrice Robert ou Philippe Vardon, venant du mouvement skinhead néo-nazi, mais aussi de nombreux membres, ont déjà été condamnés pour ces faits. D'autres chefs locaux, comme le responsable identitaire de Lyon, assument parfaitement la connexion entre identitaires et néo-nazis en Rhône-Alpes et ailleurs. En plus du caractère sexiste du mouvement (les identitaires sont contre les droits des femmes et leur émancipation), homophobe (en participant au mouvement contre le mariage homosexuel), G.Id (dont beaucoup de chefs sont des patrons d'entreprise) fait le tri chez les pauvres et les plus démunis en "proposant" une soupe au cochon pour les SDF (excluant tous ceux qui ne mangeraient pas de porc, par choix éthique, culturel, et surtut par choix religieux).
Des faits:
Avril 2011, les identitaires lyonnais tabassent 2 jeunes dont un a la mâchoire cassée en deux. Leur chef prendra de la prison ferme.
Juin 2012, des identitaires toulousains rouent de coups (parce qu'il n'est pas blanc) Manuel Andrès Pardo, étudiant chilien de 36 ans, ce dernier finira hémiplégique suite à un coma...
Mai 2013, les identitaires de Tours agressent de jeunes "militants de gauche".
Octobre 2013, de nouveau à Lyon, 5 identitaires gazent avec de la bombe lacrymo et tabassent 2 filles de 18 et 20 ans car l'une est d'origine africaine.
Et la liste est encore longue...
L'insécurité, la haine et la violence, c'est l'extrême droite !
LA RACAILLE, C'EST L'EXTREME DROITE !
Le symbole du poing levé est depuis quelques années mis à toutes les sauces, on le retrouve un peu partout dans le monde et dans différents contextes: à des concerts, dans la publicité, à des manifestations sportives ou manifestations culturelles, à des manifestations de gauche comme de droite voir d'extrême droite, repris par des personnalités comme des anonymes... le poing levé est devenu un symbole universel se manifestant le plus souvent au cœur d'une foule pour exprimer, extérioriser quelque chose de fort.
Origines du poing levé...
Bien que le poing levé fut de tout temps utilisé presque instinctivement notamment en temps de guerre ou de révolte, on commence à en voir des traces visuelles avec la peinture « L'Emeute » d'Honoré Daumier en1848. Cependant il faut plonger dans le contexte de la République de Weimar d'Allemagne et sa culture politique, pour voir l'origine du poing levé qui va se populariser jusqu'à aujourd'hui. C'est un graphiste communiste, John Heartfield, membre du KPD (Parti Communiste Allemand) qui va créer à partir d'un dessin de Georges Grosz de 1922 la forme fixe liée à l'expression élémentaire de la colère ouvrière: le poing levé.
Immédiatement, le Roter FrontKampferbund (RFB, Front de Combat Rouge), organe paramilitaire du KPD en fait son symbole de ralliement et l'inclut dans son règlement intérieur de 1924. Le poing levé c'est aussi et surtout la réponse de gauche face au bras tendu des nazis qui ont fondé leur parti (NSDAP) en 1920 et comptent déjà en 1923 près de 55.000 membres et 30.000 SA (paramilitaires nazis).
...dans un contexte agité
En effet, la jeune République de Weimar est dans un contexte bien agité, chaque camps et formation politique possède sa branche paramilitaire en cas d'affrontement. Depuis 1916, l'Empire Allemand est gouverné par les militaires du commandement suprême de l'armée (« OHL ») et voyant que la guerre était perdue, demandèrent qu'un gouvernement civil soit constitué. La constitution de 1871 est amendée vers une démocratie parlementaire en octobre 1918, ce qui avait été refusé depuis plus de 50 ans avec le précédent Empire. Une insurrection, d'abord locale puis généralisée aux bassins industriels, éclate lorsque pendant les négociations de paix avec l'Entente, une entreprise folle commandée par l'Etat-major d'armée allemande tente de faire une dernière sortie de sa flotte navale. Des marins se mutinent et sont suivis par des soldats et des ouvriers. Avec le modèle russe, des soviet « conseils d'ouvriers et de soldats » sont mis sur pied et prennent le pouvoir civil et militaire dans de nombreuses villes, faisant fuir Louis III de Bavière, dernier souverain d'Allemagne.
Les forces socialistes et de gauche se divisent sur la stratégie à adopter: les Sociaux-Démocrates Indépendants (U-SPD) veulent instaurer immédiatement une République Socialiste profitant de l'élan révolutionnaire à l'est avec la Russie soviètique de 1917 pour établir une tête de pont en Europe de l'ouest, alors que les Sociaux-Démocrates Majoritaires (M-SPD) veulent instaurer une démocratie parlementaire comptant sur la patience, l'éducation et la formation des masses pour basculer petit à petit vers le socialisme, par étapes et à coup de réformes. La République, avec système de démocratie parlementaire est instaurée le 9 novembre 1918. Le SPD devient majoritaire au Congrès des conseils d'ouvriers et de soldats du Reich.
Afin de s'assurer la stabilité de la fragile jeune République, les chefs sociaux-démocrates pactisent avec l'armée (dont les idées sont conservatrices, notamment chez les officiers) en stipulant que l'armée ne serait pas réformée si celle-ci tenait son rôle de protéger le gouvernement et la République.
La rupture entre sociaux-démocrates et l'aile gauche devient définitive. La Parti Communiste Allemand (KPD) se crée en décembre 1918 et le Parti Communiste des Ouvriers Allemand (KAPD) en 1920. En novembre 1918, janvier et mai 1919 des tentatives insurrectionnelles menées par la gauche (« spartakistes ») pour établir une République Socialiste sont réprimés dans le sang, Rosa Luxembourg et Karl Liebknecht sont assassinés par des Freikorps (milices formées par le commandement militaire) . Les sociaux-démocrates du SPD deviennent les grands gagnants de ces affrontements et rivalités et s'imposent au cœur de la République de Weimar en 1919.
En 1920, après les affrontements entre rivaux de gauche, l'ultra-droite sort les armes. Les officiers et généraux conservateurs, issus des grandes familles de l'ex-Empire décident de passer à l'acte. Un coup d'Etat anti-républicain est tenté par Wolfgang Kapp fondateur du « Parti Allemand de la Patrie » et soutenu par des généraux avec leurs troupes et les Freikorps. Ils marchent sur Berlin et le gouvernement est contraint de se replier à Stuttgart. Le nouveau gouvernement provisoire de Kapp est confronté à une grève générale déclenchée par les syndicats et les partis de gauche (parti communiste, parti socialiste et parti social-démocrate) qui bloque toute l'économie du pays et toute l'administration par la grève des fonctionnaires berlinois. Dans la Rhur, une « Armée Rouge » est crée avec près de 50.000 hommes prêts à en découdre avec la droite impériale, des combats s'engagent. Kapp est d'abord contraint de fuir vers la Suède avant de revenir en Allemagne pour être y être jugé, il décèdera avant son procès.
En 1922, l'extrême droite poursuit ses tentatives de renverser la République en commétant des centaines d'attentats.
C'est donc dans ce climat tendu d'attaques réactionnaires de la droite et de l'extrême droite refusant d'accepter l'armistice de 1918 et la République, de guerre civile et de rivalités suite à un changement de régime, de tentatives de coups d'Etats par des formations politiques paramilitaires, que la gauche politique et syndicale crée d'abord des groupements d'auto-défense qui, ne suffisants pas, sont remplacés en 1924 par des groupes larges et paramilitaires. Le Parti Social-Démocrate, avec les syndicats et clubs sportifs ouvriers sous son influence crée la Reichsbanner le 24 février 1924 avec l'accord de la coalition de Weimar (regroupant socialistes/démocrates-chrétiens/républicains). Le Parti Communiste et ses organisations ouvrières quant à lui lance le RFB en juillet 1924. La gauche Allemande venait de déclencher un nouveau style politique d'apparence, alignée sur la stratégie subversive et militarisée de l'adversaire.
Le Poing levé, le symbole en expansion
Militairement organisées, défilant en formations uniformées avec drapeaux et fanfares, la Reichsbanner, et le Roter Frontkampferbund dont le cri est « Rot Front ! » rencontrèrent un franc succès. Le RFB se concevait bien moins comme une organisation d'auto-défense militarisée que comme le futur noyau de l'armée rouge allemande et lors du passage à la ligne « Classe contre Classe » de la III° Internationale en 1927-1928, le RFB rentre activement dans des combats notamment contre la police. Suite au « Mai sanglant » de 1929 qui fit 30 morts, le RFB est interdit et continue son activité illégalement. Le RFB ne cesse de devenir plus populaire par rapport à la social-démocratie, le poing levé commence à se répandre. Des clichés montrent en 1927, « Les Amis des enfants » de Braunschweig (organe jeunesse social-démocrate) faisant sur un cliché le salut poing levé, et en 1929 au congrès de Magdeburg les jeunes socialistes en uniformes lèvent le poing. En 1931, la Reichsbanner et la centrale syndicale ADGB créent une nouvelle organisation de défense antifasciste: « Eiserne Front » (« Front d'Airain » ou « Front de Fer ») dont les symboles sont les trois flèches et bras tendu avec poing fermé et un cri « Freiheit !». Le salut social-démocrate, proche de celui des communistes, deviendra en peu de temps le mêmes car ils se confondront lors de meetings et rassemblements, doublant donc la popularité du symbole à gauche où désormais socialistes, communistes, syndicalistes et quelques libertaires font dorénavant le salut du poing levé. Le poing levé chez les socialistes devient avec Serge Tchakhotine (fondateur des trois flèches) l'incarnation de la propagande scientifique au service du socialisme.
Le poing levé dépasse les frontières et devient un rite de masse
L'Autriche qui partage avec l'Allemagne de Weimar son contexte agité, est le premier pays où le poing levé est importé dans les formations socialistes, communistes et syndicalistes. Le geste est apparu en France en mai 1926 lorsque la présence de membres du Roter FrontkampferBund assistent à la démonstration des Groupes de Défenses Antifascistes (GDA). Cependant le poing levé commencera vraiment à se faire remarquer en France qu'à partir de 1930 chez les communistes et la CGTU. Chez les socialistes il faut attendre 1933 avec l'utilisation du geste par les jeunesses socialistes, notamment les Faucons Rouges et jeunes gardes du Pas-de-Calais.
Mais le geste du poing levé n'est pas brandit dans un même contexte en France. Il faut bien percevoir la différence de mentalité à cause des contextes d'époques entre allemands/autrichiens et français. Les premiers ont perdu la première guerre mondiale et la société allemande a du mal à se démobiliser, la culture de guerre reste prégnante depuis l'Empire. Le poing levé avec tout l'attirail paramilitaire est alors le reflet de la volonté d'en découdre, l'héritage de la guerre perdue et sa continuité dans la société civile entre formations politiques.
Alors qu'en France, pays vainqueur qui est sorti de son contexte de guerre, les formations politiques qui ont fait « l'Union Sacrée » à part les communistes, les syndicalistes révolutionnaires et les libertaires (ouvertement opposés à la guerre), le poing levé se débarrasse du rituel dont il était imprégné en Allemagne, il devient simplement un geste de lutte contre le fascisme et de soutien aux camarades allemands, pas un rituel destiné à solliciter l'émotion populaire et le sentiment guerrier.
Cependant, le poing levé en France prend un tournant décisif en février 1934. Jusque là il était le symbole de compassion internationaliste pour les camarades allemands et autrichiens dans leurs luttes face au nazisme, mais les émeutes des ligues fascistes changent la donne. La gauche prend conscience qu'un danger tapis dans l'ombre menace, l'extrême droite s'est relevée aguerrie par le conflit mondial et a réussi un développement assez étonnant (camelots du roi, croix de feu, le faisceau, action française...). Le 18 février, L’Humanité, rendant compte des obsèques au Père Lachaise des militants tués les 6, 9 et 12 février, écrit : « Du quai de la Rapée au Père Lachaise, la rue a été un champ continu de poings levés. Jamais le geste de front rouge, symbole de la lutte antifasciste, le geste du parti, n’avait été fait aussi longtemps et avec tant d’enthousiasme en France ». Le poing levé se propage à grande vitesse. On lève le poing dans la rue, des passants répondent, des habitants à leurs balcons font le geste pour saluer les cortèges de gauche et syndicaux qui passent devant chez eux.. Le symbole devient signe de reconnaissance mutuelle, signe de ralliement. Le PCF, la SFIO et les syndicats prennent au sérieux le contexte allemand, d'autant que Hitler est Chancelier depuis le 30 janvier 1933, et constituent des organisations d'autodéfense antifasciste. La fédération de la Seine de la SFIO avec à sa tête Marceau Pivert (tendance Gauche Révolutionnaire) crée les TPPS dont le symbole sera les trois flèches mêlées au poing levé.
En Espagne, le poing levé se fait remarquer pendant la campagne et la victoire en 1936 du Frente Popular, alors qu'il était absent lors de la proclamation de la République en 1931. L'élan révolutionnaire qui met en échec le putsch militaire (pendant un temps) de Franco popularise immédiatement le geste.
En 1936, avec l'arrivée au pouvoir du Front Populaire, défilés et manifestations en France transforment le rite militant en rite de masse. Dans la lignée de ce que voulait Tchakhotine, l'effet du poing levé déclenche enthousiasme et résolution, il devient facteur de connexion entre les gens, la prise de conscience que l'on est pas seul, la force du nombre et des soutiens.. Il devient une tradition accompagnant tout moments de partages collectifs: les commémorations des camarades morts, les fêtes, les manifs, les occupations d'usines, les chants... Le poing levé est devenu le symbole fixe d'une civilisation socialiste internationale.
A lire:
- Le « poing levé », du rite soldatique au rite de masse. Jalons pour l’histoire d’un rite politique, de Gilles Vergnon.
- Poings levés et bras tendus, la contagion des symboles au temps du Front Populaire, de Phillipe Burin
Tout commence en septembre 1919, Gabriele d’Annunzio, célèbre poète italien décadent, artiste et musicien passionné, coureur de jupons, pionnier casse-cou de l’aéronautique, génie farfelu et héros militaire de la Première Guerre mondiale, à la tête d'une troupe de combattants -les arditi-, décide de partir à l'aventure et de s'emparer sur la côte Adriatique de la ville de Fiume en Yougoslavie (Rijeka en croate), afin de la rattacher à l'Italie.
Le contexte historique lui-même est complexe, Fiume est autonome depuis 1719, jouissant du statut de port franc par décret de Charles VI d'Autriche et de « corpus separatum » grâce à l'impératrice Marie-Thérèse. Fiume perd temporairement son indépendance en 1848 avec l'occupation de la zone par la Croatie et la retrouve en 1868 avec le Royaume de Hongrie. Au 19ème siècle, Fiume est peuplée d'italiens, de croates et de hongrois ; les langues officielles sont le hongrois et l'allemand mais les correspondances commerciales se font généralement en italien qui est la langue parlée au quotidien par les habitants. Le dialecte local de la ville, dit « fiumien », est d'ailleurs une variante du vénitien, tandis que le dialecte des campagnes proches est une variante du croate, le tout se mélangeant lorsque ruraux et citadins se rencontrent. Fiume, en tant que ville métissée et culturellement riche (cultures venant du bassin méditerranéen, d'Occident et d'Orient), se dégage avec une identité locale fiumaine unique partagée par toute la population.
D'Annunzio considère que le peuple italien a acquis sa conscience nationale (depuis les tentatives d'unité et d'indépendance républicaine de l'Italie par Garibaldi) dans l'épreuve de la guerre 14-18 et qu'il est en droit de se passer des élites et d'exiger la justice sociale. Or, c'est tout l'inverse qui se produit aux lendemains de la guerre, l'Italie est en proie à une crise et l'agitation révolutionnaire des ouvriers et des paysans y est forte, c'est le « Biennio Rosso » (à lire: « Italie 1919-1920, les deux années rouges : fascisme ou révolution ? » de Bruno Paleni).
Le peuple italien revient de la Première Guerre mondiale le cœur meurtri et chargé de revendications, il se sent trahi par une « victoire mutilée ». D'autant que la situation se complique avec à la fin de la guerre l'éclatement de l'Autriche-Hongrie. Fiume devient alors un enjeu majeur de la politique internationale avec des tensions entre serbes, croates, slovènes, italiens. L'Entente (France, Grande-Bretagne, États-Unis) veut la création d'un état tampon. Un désaccord entre l'Italie et la France conduit à une absence de statut clairement défini et Fiume passe de mains en mains. Finalement, les troupes britanniques et françaises débarquent et prennent le contrôle de la ville.
C'est dans cette situation de confusion et de colère des classes populaires italiennes que Gabriele d'Annunzio, déjà surnommé « Commandante », en manque d’aventures et profondément convaincu que les masses ne sont touchées et ne peuvent se soulever que par des actes héroïques et des exemples concrets, décide de prendre la ville de Fiume, contraignant les troupes d'occupation à se retirer, et de la donner à l’Italie en septembre 1919. Mais l’Italie refuse son offre généreuse, et le Premier Ministre le traite de fou. Vexé, D’Annunzio décide de déclarer l’indépendance et de voir combien de temps il peut tenir.
L'expédition de Fiume n'était pourtant pas spontanée, elle avait été préparée des mois auparavant, dès janvier 1919, et en avril d'Annunzio créait déjà la « Ligue de Fiume » destinée à « défendre contre la Société des Nations, tous les esprits aspirant à la liberté, tous les peuples tourmentés par l'injustice et l'oppression ». Le projet initial consistait à constituer un État indépendant englobant Fiume, l'Istrie et la Dalmatie.
L'œuvre du régime fiumain sous d'Annunzio
Car il s'agit bien là d'une « œuvre » telle que la décrivait d'Annunzio avec l'expérience d'un « ordre lyrique » et des « artistes au pouvoir ».
Presque tout dans le régime fiumain est pensé comme satire, dérision et ironie contre les systèmes de gouvernances existants. Avec un fort penchant pour les valeurs inspirées de Nietzsche, l'épopée de Fiume est un glaive tiré de son fourreau pour défier le monde bourgeois et sa démocratie d'élite intellectuelle. Il s'agit de détruire la « forteresse du pouvoir » et ses fondements idéologiques. C'est ainsi que Gabriele d'Annunzio obtient le titre suprême de Vate (« magicien-prophète ») et s'entoure d'anarchistes, de communistes, de syndicalistes, d'artistes, de légionnaires arditi, de républicains, de socialistes, de patriotes garibaldiens et de sympathisants du fascisme naissant. Une Constitution (ou charte) d'État indépendant est mise en place sous le nom de « Charte du Carnaro ». Elle mélange les idées des différents courants cités plus haut. D'Annunzio est notamment très proche d'Alceste de Ambris, figure du syndicalisme révolutionnaire italien et futur activiste antifasciste des Arditi del Popolo, avec qui il rédige la Charte et qui sera en quelque sorte son premier conseiller en matière politique et juridique.
Outre le fait que la charte se soit rendue célèbre pour avoir déclaré la musique comme principe fondamental d'État, elle autorise le divorce, accorde le droit de vote aux femmes, légalise l'homosexualité (une première!), tolère l'usage de stupéfiants et le naturisme, etc... On discute et on débat de thèmes aussi « osés » pour l'époque que la libération de la femme, la libération face aux normes et morales sexistes, l'abolition de l'argent et des prisons. Les tracts et journaux locaux appellent à l'action pour libérer les individus, les classes sociales et les peuples opprimés. Il s'agit de régénérer la société, entrer dans une nouvelle phase de la politique italienne.
Au niveau politique et économique, le système fiumain prévoyait une société de conseil basé sur 9 corporations (la dixième représentait ironiquement la « corporation des individus supérieurs tels que les poètes, les héros et les surhommes »)...
C'est le premier système social « corporatiste », inspiré du syndicalisme (dont Mussolini reprendra plus tard le concept). Ainsi, les 9 corporations représentées sont : les ouvriers en industrie et en agriculture, les marins, les techniciens en agriculture et en industrie, les administrations et secrétariats privés, les professeurs et les étudiants, les avocats et les médecins, les fonctionnaires, les travailleurs des coopératives, les patrons.
Le pouvoir exécutif était, lui, divisé entre 7 ministres : Affaires étrangères, Trésor public, Éducation, Police et justice, Défense, Économie publique, Travail.
Le pouvoir législatif est pour sa part bicamériste, c'est à dire que le Parlement est divisé en 2 chambres distinctes : le « conseil des meilleurs » (élu au suffrage universel pour 3 ans, responsable de la législation des lois civiles, de la justice, de la police, des forces armées, de l'éducation, de la culture et du lien entre le gouvernement et les communes) ; et le « conseil des corporations » (60 membres choisis parmi les 9 corporations pour un mandat de 2 ans, responsables des lois concernant le commerce, les échanges et les affaires, le travail, les services publics, le transport, les travaux publics, les métiers dans le secteur du droit et du médical). Le système agit sans cesse en démocratie directe ou tout du moins participative, dans la consultation entre la base et les instances de décisions, la place publique redevient le forum où les affaires d'État sont exposées à la population.
Au niveau de la politique extérieure, Fiume est en contact régulier avec les révolutionnaires et syndicalistes italiens comme le syndicaliste Giuseppe Giulietti, secrétaire de la puissante fédération des travailleurs de la mer, l'anarchiste Errico Malatesta, le communiste Antonio Gramsci, les sociaux-démocrates et socialistes modérés quant-à eux ne veulent pas être mêlés aux fiumains (qui seraient un danger pour la démocratie, et la présence d'Alceste de Ambris, très critique de la social-démocratie y est pour beaucoup), malgré des propositions de mettre leurs journaux à disposition dans la cité de Fiume. La première action du bureau aux relations extérieures fut le parachutage de tracts et de propagande par avion au dessus de la place de l'opéra de Paris le jour des élections saluant « la 4ème République ». Mais surtout, Fiume se tourne vers la Russie soviétique pour trouver contact, soutien et appui. Lors d'une correspondance échangée avec l'anarchiste Randolfo Vella, d'Annunzio explique qu'il est pour « un communisme sans dictature » et que son intention est de faire de cette cité « une île spirituelle d'où puisse rayonner une action, éminemment communiste, en direction de toutes les nations opprimées ». Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si le symbole de Fiume est un serpent formant un rond (ou se mordant la queue) avec au centre les étoiles de la grande ours, aussi appelée « la charrue à étoiles » en tant que symbole de l'Armée Citoyenne Irlandaise conduite par le syndicaliste révolutionnaire, marxiste et indépendantiste ,James Connolly lors de l'insurrection de Pâques en 1916 pour la libération de l'Irlande.
Dans les mémoires de Ludovico Toeplitz, membre du bureau des relations extérieures de Fiume, il est rapporté que celui-ci rencontra le commissaire du peuple aux affaires étrangères soviétiques Tchitcherine à Zurich ; et qu'un protocole d'accord de principe fut élaboré entre le Commandement de Fiume et l'URSS. Il consistait à ce que Fiume reconnaisse officiellement l'URSS (un an avant la reconnaissance de l'URSS par la Grande-Bretagne) d'une part ; et à ce que l'URSS reconnaisse Fiume sur la base du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes d'autre part. Mais les relations s'arrêtèrent après ça, les dirigeants d'URSS éprouvant une grande méfiance à l'égard de l'expérience « pas très sérieuse » de Fiume, bien qu'une rumeur rapporte que Lénine en personne, au congrès de la IIIème Internationale, aurait surpris les délégués socialistes italiens affirmant qu'en Italie « il n'y a qu'un seul révolutionnaire : Gabriele d'Annunzio ». Des contacts plus durables sont pris avec des représentants de peuples et nations sous domination impérialiste comme l'Irlande, l'Inde ou l'Egypte.
La vie à Fiume
La Marine (constituée de déserteurs et de marins anarchistes milanais) prit le nom d’Uscocchi, d’après le nom des pirates disparus qui vécurent sur des îles au large de la côte locale et dépouillèrent les navires vénitiens et ottomans. Les Uscocchi fiumains réussirent quelques coups d'éclat : de riches navires marchands italiens offrirent soudain un avenir à la République, de l’argent dans les coffres !
L'économie de Fiume était d'ailleurs basée sur une « économie pirate » dont la ressource principale était le don, que d'Annunzio avait résumé en la devise « j'ai ce que j'ai donné ». En effet, les rentrées d'argent gouvernementales ne proviennent pas d'impôts ou de taxes quelconques propres aux États « normaux »... mais des vols accomplis par les Uscocchi, ainsi que les offrandes généreuses de partisans et de donateurs anonymes. Ainsi, l'économie pirate de Fiume est basée sur un réseau de circulation de biens et de services, un réseau de sociabilité où ce qui compte ce n'est pas la valeur d'usage ou d'échange mais la valeur qui va créer du lien dans la communauté. Un vol, par abordage de navires marchands, redistribué ensuite à la collectivité, est un acte généreux qui va créer de l'émotion collective et donc du lien entre les hommes. Il ne s'agit pas de tirer du profit mais d'être utile à autrui, et cette utilité devient pour autrui de l'estime, de la reconnaissance qui se transformera également en utilité, en service mutuel et réciproque.
Artistes, bohémiens, aventuriers, anarchistes, fugitifs et réfugiés apatrides, homosexuels, déserteurs et réformateurs excentriques arrivent en foule à Fiume. La fête ne s’arrête jamais et les manifestations culturelles et artistiques sont à leur comble, comme en atteste l'association Yoga « réunion des esprits libres ». Chaque matin, d’Annunzio lit des poèmes et des manifestes depuis a réussi à faire naître une certaine contre-société avec sa contre-culture et sa contre-morale. L'idée de « fête permanente » a une importance décisive pour les « dirigeants » fiumains, c'est ce qui va suspendre le travail, suspendre les règles et le temps, transgresser la monotonie, elle répond au désir de transformer chaque instant de l'existence en une libération de l'esprit et de l'énergie. C'est également la volonté de créer une atmosphère de « vacances et de plaisirs collectifs » suite aux quatre années d'une guerre particulièrement meurtrière et du quotidien militarisé de Fiume. N'oublions pas que Fiume est en guerre contre tout le monde, ou presque, et que sa devise provocante est « Qui contra nos ?» (Qui contre nous ?) .
Enfin, Fiume marque le retour des tribuns populaires propres à la République romaine antique car, Fiume c'est aussi le laboratoire de nouvelles techniques de communication, descendant de traditions révolutionnaires et républicaines antiques, que les fascismes reprendront à leur compte. D'Annunzio en tant qu'éminent poète et orateur de génie, réussit à susciter l'émotion des foules et à en organiser les forces et les actions. Le « Commandante » excelle dans l'art de la communication, choisissant avec soin chaque mot pouvant provoquer de l'émotion. Il utilise le goût pour l'héroïsme, l'hommage aux morts et l'héritage antique d'un peuple historique, il a une capacité exceptionnelle à agir sur l'imaginaire collectif et à élever son auditoire dans un état de transe. La charge émotionnelle de ses discours vient également d'une cohésion avec un usage symbolique fort mélangeant art futuriste, dadaïsme, musique et arditisme militaire.
Mais en décembre 1920, quand le vin et l’argent viennent à manquer, quand la flotte italienne se montre enfin (Fiume par défiance et dérision avait déclaré la guerre à l'Italie) et balane quelques obus sur le Palais Municipal, personne n’a ni l’énergie, ni l'organisation nécessaire pour résister. Les légionnaires arditi de Fiume, avec d'Annunzio à leur tête, se rendent et marquent ainsi la fin de l'expérience fiumaine.
D'Annunzio, précurseur du fascisme ?
Il faut reconnaitre que le sujet et le personnage font polémique, l'arditisme, le futurisme, l'interventionnisme, l'émergence du fascisme constituent un contexte et un état d'esprit très durs à comprendre et à cerner, mais il serait dommage en tant qu'antifascistes de ne pas évoquer cette polémique autour de d'Annunzio qui dit « d'Annunzio est le précurseur du fascisme ».
Ce qu'il y a de sûr, et c'est là où les historiens et les spécialistes du sujet et du personnage semblent s'accorder, c'est que, premièrement, Gabriele d'Annunzio est un individu cultivé et complexe qui n'avait pas d'idées arrêtées à part les siennes qu'il avait tenté de mettre en pratique à Fiume ; et que, deuxièmement, d'Annunzio a soutenu le fascisme au début puis s'en est éloigné. Ce qu'on doit analyser en tant qu'antifascistes c'est pourquoi il est considéré comme « précurseur » du fascisme et pourquoi il a été un temps un sympathisant du fascisme.
Pour cela, il faut bien saisir la mentalité patriote et républicaine de la révolution garibaldienne et des guerres d'indépendance menées pour instaurer la République en Italie dès 1848. Cette mentalité chez les partisans de Garibaldi était similaire à celle que pouvait l'être chez les jacobins après la révolution française, menant les guerres révolutionnaires patriotiques et expansionnistes, à la différence que la touche culturelle italienne est logiquement très prégnante pour les garibaldiens. Cette mentalité est patriote voire nationaliste (au sens de libération nationale contre la monarchie), guerrière et belliciste mais à but progressiste et républicain. D'Annunzio remarque que la bourgeoisie et sa conception démocratique ne sont qu'une nouvelle illusion faisant croire au peuple qu'il gouverne, mais que c'est tout l'inverse. Ce qu'il met en place à Fiume prouve qu'il est pour une République guerrière, de démocratie directe et populaire. Son inspiration lui vient de l'image de la République romaine antique ou de la période de la Convention en France ; et il se considère comme le poète d'une nation en arme. Les lectures de Nietzsche le confortent dans ses idées de puissance individuelle et collective.
Les révolutionnaires italiens partagent cet esprit de revanche . Ils veulent faire leurs preuves suite aux échecs de faire basculer la monarchie et de rentrer dans une ère nouvelle. C'est pourquoi l'interventionnisme de gauche, ceux qui étaient pour l'entrée de l'Italie dans le conflit mondial, est en Italie un phénomène influent et important, contrairement à la France ou à d'autres pays européens, où les révolutionnaires sont quasi-unanimement pour la paix et contre la guerre. Socialistes, anarchistes, syndicalistes révolutionnaires en Italie pensent que la guerre permettra de déstabiliser les puissances européennes capitalistes et bourgeoises, et que ce sera l'opportunité alors de lancer la Révolution Sociale. Le tout début du fascisme reprend exactement tous ces points caractérisant un état d'esprit particulier à une époque donnée.
C'est pour ça qu'on retrouve nombre de révolutionnaires et de militant italiens de gauche sympathisants ou adhérents au fascisme naissant, car au tout début le fascisme n'est pas un mouvement homogène et centralisé, mais un mouvement de réaction contre l'ordre et la mentalité bourgeoise, contre les élites. Il ne faut pas oublier ou nier que nombre de militants antifascistes des Arditi del Popolo et des formations d'autodéfense prolétarienne, en Italie, ont d'abord été proche du fascisme dit « diciannovista » et « sansepolcrismo », ayant les caractéristiques d'un mouvement de gauche et progressiste dans le contexte italien, avant que celui-ci ne se transforme en mouvement impérialiste et dictatorial sous Mussolini. Toutes les revendications sociales présentes dans le programme du premier fascisme (suffrage universel, droit de vote des femmes, journée de 8h, salaire minimum, retraite ouvrière, pouvoir de décision des travailleurs dans l'entreprise, taxe sur le capital, séparation de l'église et de l'Etat et confiscation des biens des congrégations religieuses) ont été laissées de côté pour faire place à la politique de dictature anti-ouvrière, réactionnaire au service de la bourgeoisie que l'on connait par la suite. C'est une preuve que le fascisme tenta de séduire la classe ouvrière (et il tente toujours de le faire) par une apparence de gauche défendant ses intérêts, ce qui a pu éffectivement semer la confusion chez nombre de militants révolutionnaires sincères. Le cas d'Alceste de Ambris nous montre cette confusion: d'abord entré aux Fasci d'action internationale, proche d'un « fascisme de gauche », il devient ensuite activiste antifasciste avec les Arditi del Popolo dans la Légion Prolétarienne Filippo Corridoni et fondateur de la Ligue Italienne des Droits de l'Homme, composante des antifascistes italiens exilés en France.
Pour Gabriele d'Annunzio, c'est le même schéma. Son soutien du fascisme est un soutien du début du mouvement : Mussolini a repris nombre de ses idées (corporatisme, techniques oratoires de mobilisation des foules) alors d'Annunzio y voit une sorte de reconnaissance de son travail expérimental et est séduit par l'idée d'avoir été utile à quelque chose de nouveau. Bien qu'il ne devienne jamais antifasciste (à l'inverse de nombre de ses camarades partis avec lui à Fiume), d'Annunzio prendra ses distances avec le fascisme et le Duce et ne reprendra réellement position qu'au moment où l'Italie se rapprochera de l'Allemagne d'Hitler, pour dénoncer le nazisme et l'antisémitisme. D'Annunzio, alors retiré de la politique et entré à l'Académie Royale, développe une critique viscérale de la conception racialiste des nazis. Selon certaines source, la mort de D'Annunzio, victime d'une hémorragie cérébrale en 1937, serait le fait de Mussolini qui aurait donné l'ordre de le faire assassiner car ses positions antinazies commençaient à déstabiliser « l'unité » du régime fasciste concernant la politique extérieure. Ses funérailles nationales, organisées en grande pompe par Mussolini, sont l'occasion de ressouder le pays avec l'émotion collective suscitée par la mort d'un « grand italien »... ce qui est à ce moment là tout bénéfique pour Mussolini.
« Alors d'Annunzio précurseur du fascisme ? » Ce serait mentir que de nier qu'il inspira Mussolini à partir d'éléments mit en place à Fiume (qui n'avaientt alors rien de fasciste), et qu'il éprouvait de la sympathie pour le fascisme.
« D'Annunzio fasciste alors ! ». Les historiens, les biographes et les spécialistes réfutent très majoritairement cette idée, considérant qu'on ne peut avoir un jugement aussi manichéen concernant un individu aussi complexe qui ne s'engagea jamais dans le fascisme et dont les idées restèrent figées sur l'expérience de Fiume et uniquement Fiume. Le fascisme a certes repris les mises en scène chorégraphiques et oratoires expérimentées à Fiume sur les foules par d'Annunzio, et d'Annunzio est fortement critiquable de part son silence et son manque de positionnement contre un régime fasciste et dictatorial, lui qui voulait un « communisme sans dictature ». Cependant, le fascisme n'utilise que les rites et les cérémonies où les masses s'identifient à un chef pour mieux lui obéir. Mussolini souhaite le fascisme comme l'instauration d'un nouvel ordre politique, où le chef d'un parti unique règne sur une société hiérarchisée par un État impérialiste et dominateur. A l'inverse, le mouvement fiumain de d'Annunzio souhaite un ordre lyrique capable de libérer les peuples et de libérer la créativité de l'individu en l'émancipant de toute forme d'aliénation et de morale. C'est bien là la distinction entre politique réactionnaire et politique progressiste. C'est bien là la distinction entre un ordre totalitaire et une utopie libertaire.
On ne peut comprendre le fascisme et l'antifascisme italien (notamment des Arditi del Popolo) sans connaître et comprendre l'épopée de Fiume, l'état d'esprit et l'espoir qu'elle a suscité dans une Italie en proie à la frustration et au désir d'un changement radical.
A lire pour approfondir:
- "A la fête de la révolution, artistes et libertaires avec d'Annunzio à Fiume" de Claudia Salaris.
- "TAZ, Zone Autonome Temporaire" de Hakim Bey.
Guido Picelli: Rebelle et dérangeant, entretien avec Giancaro Bocchi, par Olivier Favier (spécialiste de l'Italie et sur le site "On ne dormira jamais").
« La Bataille de Parme est la première grande victoire en Europe des antifascistes. La seconde sera encore l’œuvre de Picelli, le 1er janvier 1937 en Espagne, à Mirabueno, première victoire républicaine sur le Front de Madrid. »
Giancarlo Bocchi
La résistance italienne au fascisme a été l’œuvre de personnalités hors du commun, au parcours politique courageux et atypique. Elle a commencé dès 1920, quand les hommes de Mussolini n’étaient encore qu’une menace en quête de pouvoir, incarnée par les violences meurtrières du squadrisme. Près d’un siècle plus tard, force est de constater que l’histoire de ce combat est à revisiter. Né et mûri dans l’engagement pacifiste durant la première guerre mondiale, il fut, dans ses formes les plus abouties et les plus efficaces, marginalisé tant par la gauche socialiste et communiste que par les « populaires » -les futurs démocrates-chrétiens- avant même la marche sur Rome.
On se souvient bien sûr du socialiste unitaire Giacomo Matteotti, du socialiste libéral Pietro Gobetti, du futur membre du Parti d’action Emilio Lussu -fervent interventiste en 1915, qui fera justice entre autres choses à ses illusions de jeunesse dans un livre extraordinaire (1)- du grand intellectuel communiste Antonio Gramsci, de l’anarchiste Errico Malatesta, qui rompt dès le début de la guerre avec Piotr Kropotkine.
Dans cette liste de noms reconnus, on peut encore rappeler ceux des frères Rosselli, assassinés par les tueurs français de la Cagoule, qui ces dernières années ont obtenu une plus large reconnaissance du fait aussi de leurs positions politiques plus modérées.
Parmi les figures oubliées en revanche, nous trouvons plusieurs représentants d’un antifascisme partisan d’une forme de lutte beaucoup plus radicale et aussi très cohérente. Pour eux aussi, le fascisme fut perçu d’emblée comme l’ennemi absolu, mais la lutte née de ce contexte se devait de conduire vers un monde différent. Comme Gramsci, ils étaient communistes, mais s’ils échappèrent aux griffes d’un régime fasciste qui cherchait à les éliminer, ils payèrent chers leur engagement et leurs idéaux politiques: ils furent marginalisés puis persécutés par la terrible machine du stalinisme, qui condamnait l’un après l’autre les meilleurs enfants de la Révolution. Cela ne se produisit pas seulement en Union Soviétique. Parmi les Italiens victimes du Komintern, citons par exemple Francesco Misiano, Pietro Tresso ou Guido Picelli.
C’est ce dernier que Giancarlo Bocchi a choisi d’évoquer dans un film réalisé en Italie en 2011 et justement intitulé Le Rebelle, un héros dérangeant. Le film est présenté en avant-première en France au cinéma Le Balzac à Paris, dimanche 8 décembre 2013, à 11 heures, en présence du réalisateur.
Olivier Favier: Dans le quartier populaire d’Oltretorrente à Parme il y a une statue de Guido Picelli, un souvenir demeuré cher aux habitants. En témoignent le débat enflammé autour du projet de déplacer ce monument lancé par le maire ”grillino”(2) ou la colère des riverains après les actes de vandalisme néofasciste dont il a été l’objet. Quel a été l’intérêt de la ville autour de votre projet? En dehors de Parme, comme a été accueilli le film? Le nom de Picelli est-il encore connu?
Giancarlo Bocchi: Je commencerai par dire que le quartier d’Oltretorrente était un endroit unique dans le panorama de la rébellion populaire européenne du dix-neuvième siècle jusqu’aux années 1970. Pendant presque 200 ans dans ce quartier de Parme il y a eu de nombreuses émeutes et insurrections contre les gouvernements du duché, du royaume et enfin de la République. Une partie de la population a été déportée en banlieue durant le fascisme et après la guerre le Parti communiste, qui a dirigé la ville pendant 40 ans, a favorisé la transformation sociale du quartier. Mais Guido Picelli est demeuré à Parme le héros populaire par excellence et le symbole même de la plus grande victoire contre le fascisme, obtenue en 1922 par la population d’Oltretorrente contre dix mille fascistes armés comme à la guerre. L’intérêt des habitants de Parme pour Picelli est encore important, mais je n’ai pas voulu projeter le film à Parme pour protester d’abord contre la municipalité de droite qui est allée jusqu’à financer des recherches historiques pour discréditer la figure de Picelli, puis contre le maire actuel qui voulait purement et simplement déplacer sa statue. Le film a été très bien accueilli dans les 30 localités italiennes où il a été projeté et a obtenu de très bonnes parts d’audience lors des diffusions à la Rai. Il a suscité un grand intérêt à Madrid où il a été présenté à la Filmoteca Española et à Moscou où il a été montré aux Archives nationales du cinéma et à la Salle Eisenstein. Il est maintenant présenté à Paris, où Picelli a déployé à deux reprises ses activités de révolutionnaire antifasciste, et il le sera l’an prochain à Barcelone où 100 000 personnes ont pris part à ses funérailles en 1937.
OF: Comme Francesco Misiano, que j’ai évoqué dans la présentation, Guido Picelli commence sa « carrière » politique par le refus de la guerre. Pour cette raison il prend part au conflit en tant que volontaire dans la Croix rouge italienne en 1916. Durant la guerre, il accepte cependant d’intégrer l’École militaire de Modène pour devenir officier. C’est le début d’une vie de lutte, y compris militaire. On peut y voir un paradoxe, mais c’est aussi le reflet d’un esprit libre, au fond peu dogmatique. Comment se construit, dans ces années de formation, cette figure militante?
GB: Dans un document que j’ai trouvé dans les Archives confidentielles à Moscou, Picelli explique très bien son passage du ”pacifisme” et du ”non interventisme” à l’étude ”de l’art militaire”. Il considérait qu’il y avait une seule guerre acceptable ”celle des opprimés contre les oppresseurs”. Après avoir vu le prolétariat massacré dans les tranchées, il a décidé d’accepter l’invitation d’entrer à l’École militaire de Modène pour pouvoir le défendre. Il avait mérité cette invitation par ses actes de courages dans les rangs de la Croix Rouge, qui lui on valu deux médailles à valeur militaire. Nommé officier, il est retourné au front sans tirer un seul coup de feu. À la fin de la guerre, il entre au parti socialiste et déploie une intense activité syndicale pour réunifier les différentes organisations de travailleurs. Il développe à ce moment-là sa pensée politique qu’on peut résumer en deux mots: ”Action et unité”. Il était antidogmatique et il considérait que pour arriver au changement révolutionnaire et à la pleine justice la chose la plus importante était l’unité des forces de gauche.
OF: La partie la plus connue de sa biographie commence avec les premières années du fascisme. Picelli perçoit immédiatement la force destructive du fascisme et entend le combattre d’emblée. Avec quelques autres, il poursuit la lutte après la marche sur Rome qui mène Mussolini au pouvoir en octobre 1922. Comment caractériser l’originalité d’un engagement qui rend unique, par exemple, la résistance de Parme aux bandes armées fascistes en 1922?
GB: Picelli en 1920 fonde les “Gardes rouges”, une formation d’autodéfense du prolétariat et il est arrêté pour avoir bloqué le départ d’un train militaire en partance pour une aventure coloniale en Albanie.
Pendant plusieurs mois il ne peut prendre part ni aux premières luttes contre les squadristes fascistes ni au Congrès de fondation du Parti Communiste d’Italie en février 1921. Mais durant les élections qui ont lieu cette année-là, il est élu député au nom du Parti socialiste et sort de prison avec un plébiscite populaire. Il est le premier à constituer en Italie ”Gli Arditi del popolo”, une formation armée d’autodéfense contre le fascisme et il est parmi les rares politiques à comprendre que seule l’unité des forces démocratiques peut défaire l’ennemi. Son idée politique, qui annonce les Fronts populaires européens des années 30, trouve une concrétisation quand le 1er juillet 1922 dix-mille fascistes menés par Italo Balbo et par les plus importants hiérarques fascistes assiègent Parme, capitale de l’antifascisme, pour la mettre ”à feu et à sang”. Picelli parvient à fédérer dans la lutte les anarchistes, les socialistes, les communistes, les républicains et les ”populaires” (les catholiques). C’est à ce moment-là qu’il met en pratique son instruction militaire en devenant le maître italien de la ”guérilla urbaine”. Après 5 jours de bataille les fascistes se dispersent et s’enfuient en laissant sur le champ de bataille 39 morts et 150 blessés. La Bataille de Parme est la première grande victoire en Europe des antifascistes. La seconde sera encore l’œuvre de Picelli, le 1er janvier 1937 en Espagne, à Mirabueno, première victoire républicaine sur le Front de Madrid. Mais pour revenir à 1922, en octobre, avant que les fascistes ne marchent sur Rome, Picelli essaie par tous les moyens de convaincre les partis démocratiques de s’unir à son ”Armée rouge” pour défaire le fascisme par les armes, mais on ne l’écoute pas.
OF: Dans les années qui suivent, Picelli est incarcéré comme de nombreux opposants politiques. Alors que Matteotti est assassiné, Piero Gobetti ou Giovanni Amendola meurent en France des suites de blessures contractées lors de plusieurs agressions de rue. En 1932, Picelli réussit cependant à s’enfuir d’abord en France, puis en Belgique. Mais là encore, il n’est pas un exilé politique ”comme les autres”.
GB: Avant d’être incarcéré, Picelli déploie de 1922 à 1926 une intense activité clandestine pour la constitution d’une structure insurrectionnelle communiste. Concrètement c’est le responsable militaire du Parti communiste. Il est victime de nombreuses agressions et de deux tentatives de meurtre. Les fascistes lui tendent plusieurs guets-apens. Dans l’un d’eux, il est blessé par un coup de pistolet à la tempe, mais on ne parvient pas à l’arrêter. Un mois avant l’assassinat de Matteotti, il a le courage de ridiculiser le régime fasciste en dressant, le 1er mai 1924, un grand drapeau rouge sur l’immeuble du Parlement. Après cinq ans de résidence surveillée et de prison, en 1932, Picelli déjoue la police fasciste et parvient à s’expatrier en France où il rejoint son frère, proche des positions de Carlo Rosselli, et ses “Arditi del popolo”. Il y a en France au moins 2000 exilés politiques et émigrés en provenance de Parme. Son activité politique antifasciste est interrompue par la police française qui l’arrête et l’expulse en Belgique. Mais sa participation à la lutte des mineurs du Borinage entraîne une nouvelle expulsion. Après un séjour en Allemagne il parvient à rejoindre la Russie où on lui a proposé d’entrer à l’École militaire de l’Armée Rouge.
OF: Jusqu’à la sortie de votre film, les années de Picelli en Union Soviétique étaient pratiquement inconnues. Comment avez-vous découvert que c’est ici que commence pour lui la partie la plus dérangeante de son parcours? Je sais que vous avez fait des recherches sur les rapports de Picelli avec Palmiro Togliatti qui était parmi les membres les plus importants du Komintern, au moment même où le régime stalinien s’enfonçait dans la période la plus sombre de son histoire. Comment êtes-vous parvenu à accéder aux énormes archives de l’Union Soviétique?
GB: À Moscou toutes les promesses que Togliatti et les communistes italiens ont faites à Picelli sont déçues. Au lieu d’être envoyé à l’École militaire, Picelli est relégué dans une usine comme simple ouvrier. Picelli ne supporte pas la frilosité, l’opportunisme, le cynisme de Togliatti et des siens. Il est persécuté. On lui ôte toute responsabilité politique, mais il parvient par chance à échapper au pire et réussit à participer à la guerre d’Espagne. J’ai eu de nombreuses difficultés à trouver les documents inédits que j’ai montrés dans le film. Mais après trois années de recherche je suis parvenu à découvrir tout ce qui pouvait m’être utile. Je crois qu’il y a encore de nombreuses vérités enterrées dans les archives de Moscou qui n’attendent que d’être dévoilées. Récemment j’ai même trouvé tous les documents liés à la vie complexe et riche d’aventures de Francesco Misiano, l’inventeur du cinéma soviétique. Comme pour Picelli c’est l’histoire d’un communiste antidogmatique qui est persécuté parce qu’il croyait en l’homme et en sa capacité à se racheter.
OF: La dernière année de vie de Picelli, qui le ramène en France puis dans l’Espagne de la Guerre civile, ne détonne pas dans ce parcours épique. Dans ses actions militaires en Espagne, il montre des dons militaires exceptionnels, ceux-là mêmes qu’il avait révélés dans la défense de Parme quinze ans plus tôt. Il meurt frappé d’une balle dans le dos le 5 janvier 1937. Sa mort fait penser aux assassinats de tant de militants anarchistes, socialistes ou supposés « trotskystes » perpétrés pas les agents de Staline, ou à la mort de Pietro Tresso en 1944, tué par ses camarades et partisans français avec d’autres dissidents. Que sait-on des derniers mois de Picelli?
GB: Je ne connais pas bien l’histoire de Pietro Tresso et je ne peux rien dire à ce propos. En Espagne il y a eu de nombreux épisodes obscurs sur lesquels la pleine lumière n’a pas été faite. Le plus grand responsable des meurtres de communistes antistaliniens du POUM, des anarchistes et des autres dissidents fut le général Alexander Orlov du NKVD. Malheureusement les archives du NKVD (devenu ensuite le KGB) sont encore fermées. Les archives des dépêches de l’OMS, le service secret du Komintern qui travaillait en contact étroit avec le NKVD d’Orlov, sont elles aussi inaccessibles. Il me faut d’abord préciser qu’il serait faux de croire que les organismes soviétiques étaient une entité monolithique. Il est possible que le NKVD n’ait pas mis au courant l’Armée Rouge de ses affaires les plus secrètes, et vice versa. Durant mes recherches j’ai eu néanmoins la chance de parler avec trois garibaldiens d’Espagne. Deux d’entre eux, Antonio Eletto et Vincenzo Tonelli, même s’ils n’ont pas vu qui a tiré dans le dos de Picelli, étaient sur les lieux ce jour-là. J’ai eu aussi la possibilité de me faire expliquer par une personne, qui a travaillé en Espagne comme traductrice pour le NKVD, les techniques, vraiment surprenantes, que ce dernier utilisait pour cacher la vérité. Après avoir découvert différents documents à Moscou, en Italie et en Espagne, je peux dire que la version officielle de la mort de Picelli est fausse. Mon enquête s’est basée sur des indices. Comme dans les procès de justice, si quelques indices n’ont aucune valeur en soi, dix ou vingt constituent une preuve. Mais je ne veux pas enlever aux spectateurs du film le plaisir de découvrir par eux-mêmes ce qui arrive à Picelli.
OF: Votre premier film remonte à 1982. Vous avez travaillé au Kosovo, en Afghanistan, en Somalie, en Palestine, toujours sur des sujets contemporains et étranger à l’Italie. C’est ainsi votre premier documentaire historique, réalisé exclusivement avec des images d’archive. Comment vous est venue l’idée de raconter l’histoire de ce vieux et surprenant ”Rebelle”?
GB: Dans chacun de mes documentaires sur des histoires contemporaines je me suis toujours efforcé de donner une voix à ceux qui n’en avaient pas et de chercher la vérité sur des faits dérangeants et oubliés. Même si je suis originaire du quartier d’Oltretorrente à Parme, même si je viens d’une famille qui a toujours combattu pour la liberté et la justice sociale, même si mes grands-parents connaissaient bien Guido Picelli, je n’ai pas mené ces longues recherches par attachement à des racines. J’ai essayé de donner voix à Picelli pour faire connaître ses idées et ses actes qui me semblent très actuels en ce moment. Gramsci disait ”l’Histoire enseigne mais elle n’a pas d’élèves”. Depuis quelques années nous assistons à une tentative pour effacer toutes les conquêtes sociales obtenues en 200 années de lutte. Un nouveau fascisme progresse qui se camoufle à l’intérieur des appareils de gouvernements et des institutions financières internationales. On ne peut pas combattre ce monstre avec les bavardages des partis traditionnels de la gauche, qui en Italie du moins ont hérité des maux du ”togliattisme”: opportunisme, frilosité, cynisme.
Si Picelli était en vie il serait avec les ”indignados” ou avec les citoyens qui protestent en Grèce ou avec ceux qui s’opposent dans le monde à l’injustice sociale et aux abus de pouvoir politiques. Et il donnerait à tous un enseignement simple: ”Unité et action.”
http://dormirajamais.org/picelli/
Vous avez surement déjà vu dans Limoges, à la périphérie ou à ses abords ruraux, des affiches blanches dont l'écriture est bleue et dont le symbole est une croix de lorraine (symbole de la résistance ralliée au Général De Gaulle pendant l'Occupation). Se réclamant en effet du gaullisme, et affichant un héritage issu de la Résistance, l'image du MIL se fond dans le paysage limousin qui fut un des bastions de cette Résistance (à majorité communiste!). Pourtant ne nous y trompons pas, ces gaullistes ont une origine bien douteuse et leurs méthodes meurtrières passées sont bien plus proches des valeurs autoritaires dignes des régimes fascisants que d'une droite dite « républicaine ».
Le MIL se crée en 1981, il est le prolongement du SAC (« Service d'Action Civique »), lui-même issu du service d'ordre du Rassemblement Pour les Français (RPF).
Le RPF fut le parti fondé par le général De Gaulle en 1947 suite à la Libération, voulant aller au-delà du clivage « droite/gauche » et voulant réintégrer d'anciens collabos et vichystes à la vie politique du pays. Ce parti se veut être le rempart face à l'irrésistible montée du Parti Communiste Français et de la Confédération Générale du Travail. Son implantation au sein du monde du travail se fait dans la tradition du syndicalisme jaune, allié du patronat et proche du fascisme corporatif en général, avec la Confédération Française du Travail (CFT), puis la Confédération des Syndicats Libres (CSL). A la tête de la CFT, on retrouve Raymond Jacquet (un responsable du RPF), Robert Calmejane (député gaulliste), Henri Gorce Franklin (premier responsable du SAC) et Jean Bernasconi (député gaulliste). Le premier secrétaire est Jacques Simakis, dont le passé est tout aussi éclairant puisqu’il est issu du Parti Social Français d’avant guerre, un parti nationaliste issu des Croix de Feux. Les actions musclées de ce syndicalisme jaune au service du gaullisme se soldent par l'arrestation de membres de la CFT pendant les grèves de 77 pour avoir tiré sur le syndicaliste CGT Pierre Maître, qui meurt le lendemain à la suite de ses blessures. La CFT, entachée par cette affaire, devient la CSL (Confédération des Syndicats Libres). Dans le monde étudiant, cette tendance gaulliste extrémiste opère au sein de l'UNI puis aujourd'hui au MET. Mais revenons au RPF.
Le Service d'Ordre du RPF devient le Service d'Action Civique (SAC) en 1960 qui opère comme une police politique (beaucoup de ses membres sont de la police et de l'armée), voire comme un groupe paramilitaire au service de De Gaulle, menant des actions anti-communistes et anti-syndicalistes. L'intégration d'anciens collabos a été une réussite puisqu'on y retrouve Etienne Leandri, copain de Charles Pasqua mais surtout ancien gestapiste notoire qui s'est enfui en Allemagne puis en Italie après la Libération, proche du milieu mafieux et du grand banditisme, mais protégé par la CIA à la Libération pour son anti-communisme. La CIA sera d'ailleurs la vache à lait pour le SAC dans sa lutte contre « les rouges ».
Outre le fait que certains membres de cette organisation se firent remarquer lors de Mai 68 pour s'être déguisés en ambulanciers afin de ramasser les manifestants blessés et de les passer à tabac dans leur QG, la SAC connait de nombreux démêlés avec la justice pour des faits proches du banditisme : agressions en réunion avec usage d'armes, proxénétisme, trafic de drogues et d'armes, racket, incendies volontaires, etc...
Avec l'arrivée du socialiste Mitterrand au pouvoir, la tension est à son comble chez ces gaullistes radicaux, la paranoïa anti-rouge s'installe. En juillet 1981, Jacques Massié, flic de profession et chef du SAC à Marseille, est assassiné avec toute sa famille par ses propres hommes, qui le soupçonnent de vouloir les trahir au profit de la gauche... c'est « la Tuerie d'Auriol » qui fera grand bruit dans les médias. Avec le déchaînement de violence et l'implication politique de ces assassinats, le SAC est dissout en 1982.
Un peu plus d'un an plus tôt, le MIL était crée par les mêmes dirigeants et figures du SAC, un peu comme si avec toute cette violence et ces pratiques de voyous, ils connaissaient l'issue du SAC (dissolution tôt ou tard) et voulaient avoir une base de repli au moment venu. La présence de nombreux flics dans l'organisation a surement aidé à connaître l'état des dossiers pour une éventuelle dissolution... Forcé de se calmer sur la violence après l'affaire Massié, le MIL n'en demeure pas moins la continuité idéologique et physique du SAC, aussi radical dans sa propagande et dans ses idées. Il s'attaque particulièrement à la gauche et à l'islam, défendant un patriotisme ambigu (ça ne vous rappelle rien dans l'échiquier politique ?). Ainsi, au travers de son manifeste, de son bulletin d'information et de ses affiches, le MIL affirme que le marxisme est « une drogue qu'il faut traiter », la gauche « une maladie qu'il faut guérir », les cités « des zones de droit coranique qu'il faut assainir », et l'homosexualité un « danger » pour les enfants voir une « maladie mentale »... Un discours qui n'a doncn rien à envier au FN et aux autres fachos réacs. Pourtant, ce groupuscule au passé violent, voire criminel, est associé à l'UMP, chouchouté par des figures du parti de droite comme Xavier Bertrand qui s'exprime régulièrement dans leur journal ou encore Michèle Alliot-Marie et Jean François Coppé. L'organisation compte parmi son comité d'honneur Robert Pandraud (ancien ministre), Bernard Debré (député de Paris), Yves Guéna (ancien président du Conseil constitutionnel), Charles Pasqua (ancien ministre), Eric Raoult (député UMP de Seine-Saint-Denis, corapporteur de la « comission parlementaire sur la burqa »), et l'ancien maire de Paris, Jean Tiberi.
Ce qu'on n'ose dire à l'Assemblée Nationale, devant les médias, devant l'opinion, on le dit au sein du MIL et on se lâche ! Il semblerait donc que le MIL forme l'une des bases de repli de cette droite qui, derrière ses parures « convenables » et « démocratiques », soit bel et bien le mouvement réactionnaire de la classe des riches et de l'encadrement, prêt à passer à l'action musclée lors des moments opportuns, contre le progrès et la justice sociale.
Nous citons le texte de Daniel Guérin dans son ouvrage "Front Populaire, révolution manquée". Ce témoignage donne des leçons et des pistes encore utiles aujourd'hui.
"Dans la nuit du 6 au 7 février, tandis que je fais mon rapport téléphonique à Marceau Pivert, les commissions exécutives des fédérations socialistes de Seine et Seine-et-Oise siègent fiévreusement dans le petit local de la rue Feydeau. Elles lancent un appel sur le thème « trêve de divisions, unité d'action loyale ! ». Peu après minuit, elles envoient une délégation au parti communiste, lui proposant à titre de riposte immédiate, une manifestation de rue pour le 8 février. Au même moment, au comité central du PC, Renaud Jean et Jacques Doriot pressent la direction de proposer aux socialistes une contre-manifestation rapide. Mais Maurice Thorez, qui à des ordres et qui, au surplus, n'a encore rien appris, s'obstine: « pas de front unique à la tête ». Les communistes refusant de s'associer à la manifestation du 8, celle-ci est annulée. Ils veulent leur manifestation à eux. Elle aura lieu le 9 au soir, à partir de la place de la République. En dépit du sectarisme stalinien, nombre de militants socialistes de la Seine, pour la plupart des pivertistes, se sont joints, dans rue, aux manifestants communistes.
Tout le quartier de la République est en état de siège. Pendant cinq heure, de sept heure à minuit, nous nous battons avec les flics. Nous dressons un peu partout des barricades et échangeons avec la police force de coups de feu. L'émeute fait tâche d'huile jusqu'aux faubourgs ouvriers du 20ème. Dans les ruelles avoisinant les rues de Belleville et de Ménilmontant, on se bat furieusement: charges et contre-charges. J'ai l'impression, à la fois excitante et un peu terrifiante, que le quartier, qui m'est familier, a repris son visage du temps de la Commune. Le bilan est lourd: 6 morts, plusieurs centaines de blessés. Les combattants ont fait preuve de courage. Par ce baroud d'honneur, le parti communiste se flatte à la fois de racheter son inconduite du 6 février et de prouver l'utilité du front unique à la tête. Mais ce ne sont pas les maigres effectifs dont il dispose qui peuvent suffire à barrer la route au fascisme. Là où les sectes politiques sont impuissante, la classe elle-même va entrer en scène. La grève générale du 12 février à été manigancée, le 7 au matin, par le ministre de l'Intérieur Daladier, Eugène Frot, de mèche avec Léon Jouhaux et Léon Blum. A l'origine, ses objectifs sont limités et nullement révolutionnaires: elle vise à faire contrepoids à la pression des ligue factieuses sur un gouvernement qui n'est pas encore démissionnaire. Mais, à l'insu, ou au delà de l'attente, de ses initiateurs, elle va prendre figure de formidable démonstration de masses. A travers la France, quelque cinq millions de travailleurs se croisent les bras. A Paris, ni journaux, ni spectacles, ni moyens de transport. J'ai passé, pour ma part, toute la journée du 11 à rouler dans les rames de métro, avec en bandoulière une grosse gibecière en cuir, qui servait à mon grand-père pour la chasse, et que j'ai bourrée de tracts de la CGT. L'accueil des voyageurs, leur chaude sympathie, leurs encouragements fraternels m'ont déjà permis de prendre la température des masses ; le triomphe de la journée du lendemain ne me surprendra pas.
L'après-midi du 12, en pleine grève, les socialistes ont organisé une manifestation au cours de Vincennes. Les communistes, tempérant, enfin, leur hargne sectaire, ont décidé de s'y rallier. Une marée humaine déferle sur la place Nation. C'est le premier des rassemblements gigantesques qui marqueront l'âge dit du Front Populaire. Le communiste tourne autour du rond-point dans un sens, le cortège socialiste dans le sens contraire. Puis, quand ils se rencontrent, leurs flots se rejoignent, se fondent, au cri de « Unité ! Unité ! ». Leur masse avance maintenant, en rangs serrés, sur toute la largeur du cours Vincennes, chantant l'Internationale.
Quant à chacun de nous, fétus de paille au milieu de cet océan, la confiance nous gonfle la poitrine. Enfin, pour la première fois, nous agissons ensemble. Ce dont le mouvement ouvrier allemand s'est révélé incapable, jusqu'à la dernière minute, contre Hitler, nous venons de le faire, nous.
Les fascistes et leurs complices policiers peuvent s'amuser à allumer des incendies sur nos places publiques: ce sont là jeux de gamins. Nous, nous venons de prouver que nous sommes capables de paralyser toute la vie du pays. Nous voilà délivrés, enfin, des complexes d'infériorité qui, depuis si longtemps, nous inhibaient: nous découvrons que nous sommes forts. Mais nous ne le serons que si nous ne nous bornons pas à rester sur la défensive. Nous ne vaincrons le fascisme que si nous sommes plus offensifs que lui. La défense des libertés n'est qu'un point de départ, un minimum. Les occupations d'usines italiennes, en 1920, l'ont démontré: la grève générale peut être une arme à double tranchant. Il faut pousser plus loin. Ou le fascisme prendra le pouvoir, ou ce sera nous. Ou nous exorciserons la guerre, ou nous subirons la guerre."
Ce vendredi, en début de soirée, à Lyon, deux antifascistes du GALE (Groupe Antifasciste de Lyon et ses Environs) de 15 et 16 ans ont été blessés à coup de couteaux pour un groupe de fascistes. Ils sont actuellement en soin à l’hôpital et le pronostic vital n’est pas engagé.
Au milieu des braillements antisémites d’un "jour de colère", des vociférations homophobes de la "manif pour tous", des racistes de la "droite décomplexée" et de l’inutilité de la "gauche" au pouvoir et de ses antennes, la vraie nature de l’extrême droite s'est encore exprimée.
Nous exprimons tout notre soutien aux deux camarades, ainsi qu’à tous et toutes les militant-es antifascistes de Lyon.
La racaille et l'insécurité, c'est l'extrême droite !
Plus d’infos sur : http://rebellyon.info/Deux-personnes-poignardees-par-des
Tenir la rue : L’autodéfense socialiste —1929-1938
Rédigé par Matthias Bouchenot (né en 1988), historien et enseignant dans le secondaire, cet ouvrage inédit est le premier volet d’un triptyque sur les années 1930 à paraître chez Libertalia. Sa publication sera suivie par les rééditions de deux grands classiques du mouvement social français : Fascisme et grand capital, de Daniel Guérin (première édition Maspero, 1970 ; dernière édition, La Découverte, 2001) ; puis Tout est possible ! Les « gauchistes français » (1929-1944) de Jean Rabaut (première et unique édition, Denoël, 1974).
L’histoire des années 1930 en France est jalonnée par plusieurs dates clés : la manifestation d’extrême droite à caractère insurrectionnel du 6 février 1934 provoqua une réponse immédiate des partis de gauche, qui décidèrent de s’allier dans un rassemblement populaire afin de ne pas subir le sort des partis ouvriers italien et allemand, défaits par le fascisme mussolinien et le national-socialisme allemand. Ce rassemblement est passé à la postérité sous le nom de « Front populaire ». Parmi les autres dates clés, il y eut la gigantesque manifestation unitaire du 14 juillet 1935, puis la victoire électorale du Front populaire, en mai 1936, immédiatement suivie d’un mouvement de grève sans précédent qui déboucha sur l’obtention, notamment, des congés payés.
Matthias Bouchenot aborde un angle mort de l’histoire des années 1930 : celle des groupes d’action et des groupes d’autodéfense de la SFIO, principalement dans la fédération de la Seine. Embryon d’armée révolutionnaire pour les uns, simples groupes chargés d’assurer la sécurité des meetings et des leaders politiques en vue (dont Léon Blum) pour d’autres, les « Jeunes gardes socialistes » (JGS) et les « Toujours prêts pour servir » (TPPS) refusaient de laisser la rue aux ligues d’extrême droite et rêvaient de vivre des lendemains qui chantent.
Incarnant l’aile gauche de la SFIO, ouverts aux tendances communistes révolutionnaires (trotskistes, luxemburgistes), parfois proches des libertaires, les TPPS et les JGS incarnent l’image la plus éloquente du « Front populaire de combat ».
Le dernier chapitre, rédigé à partir de sources de première main, relate la manifestation sanglante du 16 mars 1937, qui vit la police du ministre socialiste Marx Dormoy protéger une réunion du Parti social français (ex-Croix-de-feu). Cette manifestation se solda par la mort de cinq manifestants communistes et socialistes, dont Solange Domangel, une membre des TPPS.
La couverture de l’ouvrage n’est pas anodine. Elle reprend un symbole des années 1930 inventé par le propagandiste Serge Tchakhotine : les trois flèches dirigées vers le bas. Symbole social-démocrate par excellence, il était arboré par les militants sur leurs vêtements (vestes et chemises), sur les drapeaux, sur les pancartes. Chaque flèche a une signification : l’une s’opposerait au fascisme et au nazisme ; la deuxième au capitalisme ; la dernière enfin au stalinisme.
http://www.editionslibertalia.com/tenir-la-rue
DUBAMIX présentera son nouvel album "Pour qui sonne le dub" à Limoges, dans le cadre d'une soirée organisée par l'association LAF.
LIEU :
Le Select
Place Fontaine des Barres
Entrée : Prix libre
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NOUVEL ALBUM "POUR QUI SONNE LE DUB"
DUBAMIX
electro dub militant
www.dubamix.net
Téléchargement gratuit
Après deux années de concerts en France et en Europe, et un premier opus réussi et reconnu "Mix A Dub" (plus de 200 000 écoutes sur le web), Dubamix présente son nouvel album « Pour qui sonne le dub », reprenant une formule qui lui est propre : le dub militant. Cet album, comme le précédent, sera disponible en téléchargement gratuit (license Creative Commons) et en CD LP, à partir du 8 février 2014.
Influencé par le Reggae Roots et la Bass music, cet album alterne des rythmiques Steppa-dub, Electro-dub, Dubstep, Rockers, Drum’n’Bass, sur lesquelles se greffent samples politiques et musicaux d’horizons variés.
Fidèle à sa volonté de briser les frontières musicales et géographiques, Dubamix fait dialoguer basses et rythmiques puissantes, reggae roots, violon tzigane, oud arabe, clarinette klezmer, orchestre symphonique, chanson française, zorba grecque, soul new-yokaise, funk déjantée, Drum’n’Bass, …
A l’image de cette détermination à décloisonner les genres, Dubamix se veut porter les voix de tous celles et ceux qui se sont battus, se battent et se battront contre les idées d’extrême droite et pour une société égalitaire.
Ainsi, les paroles de E.One et Skalpel de Première Ligne (rap conscient), Yoshi (rap raggamuffin), Joke (ska-punk), et Kyam (nu-roots) se mêlent avec la complainte du partisan, le monologue final du barbier juif de Chaplin ou le procès d'Oradour-sur-Glane. Cet album brise ainsi une frontière supplémentaire, celle du temps, pour faire entrer en résonance luttes passées et résistances actuelles sous fond de dub enivrant.
Afin d’entendre les voix de ceux qui ont soutenu Dubamix au fil des concerts, trois morceaux enregistrés en public au cours de la tournée 2013 viennent ponctuer l’album.
A travers ce nouvel opus, Dubamix entend bien apporter son pavé à la barricade pour qu’enfin sonne le glas des inégalités sociales et de la xénophobie.
Appel des Redskins Limoges pour l’organisation d’un rassemblement contre la venue de Marine Le Pen.
Considérant que la situation actuelle favorise la montée de l’extrême droite sous toutes ses formes, tant en France que dans toute l’Europe, il nous apparait nécessaire de ne pas laisser l’espace public à la libre disposition des nervis fascistes (du Front National ou d’ailleurs).
Dans ce but, nous appelons à un large rassemblement le samedi 18 mai à 10h00 place de la république à Limoges afin de rappeler que les fascistes ne sont nulle part chez eux, ni en Limousin, terre de Résistance, ni ailleurs.
Collectif des Redskins Limoges
Signataires de l'appel : Confédération Générale du Travail Haute-Vienne (CGT87) ; Union Locale Confédération Nationale du Travail 87 (CNT87) ; Jeunes communistes Haute-Vienne (JC87) ; Union Prolétaire Antifasciste Creusoise (UPAC) ; Comité Syndicaliste Révolutionnaire 87 (CSR87) ; SOS RACISME Haute-Vienne ; Le Torchon Brûle Attisons-le ; Parti Communiste Français Haute-Vienne (PCF87) ; les Jeunes Ecologistes du Limousin ; Organisation Communiste Marxiste-Leniniste Voie Prolétarienne (OCML-VP),...
Les Comités Syndicalistes Révolutionnaires sortent une nouvelle brochure "Syndicalisme contre fascisme, quelle lutte antifasciste ?" qui ne manquera pas d'attirer l'attention. On y trouvera une analyse du fascisme comme de l'antifascisme, historique et actuel, ainsi que de réflexions pour sortir de certaines impasses stratégiques concernant la lutte contre l'extrême droite.
La résurgence de courants fascistes en France et plus généralement en Europe impose à l’ensemble du mouvement révolutionnaire de réactualiser la lutte antifasciste et la réflexion qui doit l’accompagner.
Le fascisme est souvent présenté comme un instrument de la bourgeoisie, or cette lecture réductrice est en partie fausse : le fascisme est un phénomène complexe à la fois politique, culturel et social qui intervient dans un contexte spécifique. D’abord réaction des classes moyennes à leur paupérisation, il intervient ensuite comme dispositif de contre-révolution et se targue d’anticapitalisme, d’un projet révolutionnaire tout en luttant contre le mouvement ouvrier avant de devenir finalement le mode de prise de pouvoir par le grand capital.
Le combat antifasciste d’aujourd’hui doit se rendre capable de faire le bilan des expériences passées afin d’en tirer toutes les leçons. Deux erreurs ont dominé : sous-estimer la force du fascisme en y voyant principalement un phénomène idéologique ; faire prévaloir les organisations sur l’objectif en renonçant à l’unité du mouvement ouvrier dans le combat antifasciste.
Aujourd'hui, jeudi 8 mai 2014, avait lieu la traditionnelle cérémonie de commémoration de la victoire des alliés sur l'Allemagne hitlérienne. Depuis de nombreuses années, des membres de notre collectif poursuivent leur engagement antifasciste en assistant à ces cérémonies et en s'investissant dans des associations mémorielles. Chaque fois, ces moments sont l'occasion pour les associations d'anciens combattants et résistants de rappeler que « le ventre est encore fécond d'où a surgi la bête immonde » ; chaque fois les responsables qui prennent la parole soulignent combien le risque est encore présent de voir se répéter de telles dérives. Quelle ne fut donc pas notre suprise de découvrir pour la première fois, aujourd'hui, à notre arrivée place des Carmes sur les lieux de la commémoration, la présence d'un élu Front National et de sa garde rapprochée. Vincent Gérard, secrétaire départemental du FN pour la Haute-Vienne, élu conseiller municipal à Limoges en avril 2014, a été condamné en juillet 2012 à quatre mois de prison avec sursis pour violence avec usage ou menace d'une arme (il a fait appel de cette condamnation). Cet ancien skinhead nationaliste s'illustre actuellement au conseil municipal de Limoges en réclamant davantage de policiers municipaux et l'installation de caméras de surveillance (des caméras qui, si l'on suit sa logique, auraient pu être fort utiles à la justice si elles avaient été installées dans la rue de la Boucherie en avril 2012 lors de l'agression qui lui a valu sa condamnation...). L'insécurité que ressent M. Gérard est telle qu'il se présente à une commémoration où il n'a pas sa place accompagné d'un homme qui semble être son garde du corps : depuis la campagne pour les municipales, on a pu voir cet homme, qui se fait appeler « Bruno Mad », tout près de Vincent Gérard lors de toutes ses apparitions publiques (sur les plateaux de France 3, à la mairie, lors d'actes publics à la permanence du FN...). Cet homme qui l'escorte, proche du groupe de rock néonazi local « Lemovice », est également apparu lors de manifestations d'extrême-droite à Paris, notamment dans le cortège de Front des Patriotes (organisation clairement néonazie) à l'appel de Serge Ayoub et de Troisième Voie (organisation dissoute après l'assassinat de Clément Méric à Paris en juin 2013). D'autres proches de Vincent Gérard étaient présents, dont un deuxième élu municipal FN.
Par ailleurs, les liens entre M. Gérard et des militants néonazis locaux semblent se tisser de façon récurrente et régulière. Quiconque a suivi la campagne pour les éléctions municipales ou s'est trouvé récemment à la mairie de Limoges aura constaté aisément la présence de plusieurs d'entre eux, notamment membres de « Lemovice » aux côtés de Vincent Gérard.
Si son élection à la municipalité semble avoir fait soudainement prendre conscience à Vincent Gérard qu'elle incluait également des devoirs civiques, nous, militant-e-s antifascistes, considèrons que ni lui ni ses sbires n'ont leur place dans de telles commémorations. Les idées prônées actuellement par le Front National, qui tente une dédiabolisation de façade, restent les mêmes et ont clairement des relens d'un passé que beaucoup préfèreraient oublier. Mais nous, nous n'oublions pas. Faut-il laisser cette organisation d'extrême-droite s'implanter dans des commémorations qui célèbrent la victoire sur des idées très proches de celles qu'elle véhicule? Devons-nous attendre que le cas de Bollène se répète? (Pour rappel, le 18 juin 2012, la maire d'extrême-droite de Bollène interdit le Chant des Partisans lors de la cérémonie, faisant intervenir la police municipale pour faire taire les anciens combattants et les militants).
Il est plus que jamais nécessaire de faire barrage à l'extrême-droite dans tous les domaines, y compris dans les commémorations.
Le jeudi 8 mai 2014
Collectif Peaux-Rouges Limoges
(Redskins Limoges)
Un an après la mort de Clément, assassiné par des fascistes : plus que jamais, combattons l’extrême droite !
Le 5 juin 2013, Clément était tué par des militants d’extrême droite. Son cas devenu emblématique n’est pourtant pas isolé. Nombreuses sont celles et ceux qui doivent affronter les oppressions. Elles prennent des formes multiples (violences policières, expulsions, stigmatisations, islamophobie, lois racistes, remise en cause du droit à l’IVG…).
Les récents scores électoraux du Front National ne sont pas là pour nous rassurer.
C’est pour cela que nous croyons que la mémoire de Clément n’appartient à personne, mais vit dans le combat de toutes celles et ceux qui s’opposent, à hauteur de leurs moyens, à ces oppressions. Nous appelons donc à continuer la lutte, en mémoire de Clément et pour toutes les victimes du fascisme, des racismes, du sexisme, de l’homophobie, en participant à la manifestation qui se tiendra un an après sa mort le 7 juin 2014.
Un appel à manifester le 18 juin est lancé par des militants syndicalistes, politiques et élus... pour protester contre la réforme préparant la nouvelle carte des régions. Le rassemblement aura lieu à 17h30 devant la préfecture de Limoges.
Le Limousin a une Histoire, son nom vient du Peuple gaulois qui vivait ici sur un territoire sensiblement comparable, les Lémovices. Leur capitale se trouvait à Villejoubert (St Denis des Murs). César parle d'eux dans le De Bello Gallico et fait référence à leur chef, Sedullos tombé devant Alésia.
Le Limousin a perduré au cours des siècles, malgré des divisions seigneuriales et entre autres par le puissant ciment culturel de la langue limousine (dialecte de l'Occitan) parlée de Nontron à Aubusson... mais qui rayonnait dans tout l'Occident Médiéval avec les poèmes des Troubadours.
Bref, une identité forgée par une histoire, une géographie, une langue, des traditions communes...
Au XIXe et XXe siècle cette région s'est construite dans l'adversité : Luttes sociales, victimes de la 1e GM, héroïsme et tragédies de la 2e GM.
Riche de ce Passé, de ses figures, de son patrimoine gastronomique, naturel sans oublier industriel (Porcelaine, ganteries puis Legrand...) le Limousin n'en demeure pas moins « pauvre ». En 1956, Clancier bouleversera la France entière dans son roman. Le pain Noir qui décrit si bien la misère digne des gens de ce pays limousin, auquel il est si attaché.
Nos auteurs occitans contemporains (Marcelle Delpastre, Panazo, Jan dau Melhau, Yves Lavalade, Jean Alambre...) mais aussi les apports liés à la diversité de ses populations issues de l'immigration (maghrébine, turque, africaine subsaharienne, réunionnaise, anglo-saxonne...) démontrent un statut de terre d'accueil et de créativité avec de nombreux artistes et festivals.
Aujourd'hui peuplé d'environ 740000 habitants, c'est à dire plus que plusieurs états européens, notre région semble condamnée à « fusionner » avec une autre.
Sans tenir compte des expériences menées ailleurs en Europe, sans évaluer les coûts d'une telle réforme, sans prendre le sujet par le fond, c'est à dire le sens d'une collectivité, le gouvernement a donc posé sur la table une carte qui ne satisfait personne, pas plus les bretons qui espéraient la réunification que les limousins. En annonçant la fusion avec le Centre et le Poitou-Charentes après avoir écarté celle avec l'Auvergne proche et l'Aquitaine liée par la Dordogne « cousine », le gouvernement français crée une crise sans précédent.
Retirant de fait le Limousin de l'espace occitan, le noyant dans un territoire vaste sans identité et aux réalités très différentes tant sur le plan des infrastructures que des spécificités industrielles ou agricoles, le découpage a provoqué des réactions de surprise et de doute et même des volontés de séparation immédiate de la part des élus la Corrèze... l'ancien fief électoral de François Hollande.
Le débat, loin d'« être clos » selon les mots du Premier Ministre doit commencer ;
Il ne doit pas tomber dans le fantasme identitaire ou la défense de particularismes mais doit poser la question du sens d'une collectivité, de ses racines à ses compétences, de sa cohérence à sa performance.
Extrait de la charte du collectif "Touche pas mon Limousin !"
touchepasmonlimousin@gmail.com
Le 24 avril 2010, était organisé à Limoges un rassemblement à la mémoire des antifascistes assassinés partout dans le monde… Nous dressions alors une longue liste de noms, militants assassinés en Russie, en Allemagne, en Italie, en Espagne… Aujourd’hui, nous devons rajouter à cette sinistre énumération Clément Méric, jeune syndicaliste et militant antifasciste, battu à mort par des membres de l'extrême droite radicale ce mercredi 5 juin 2013 à Paris, alors qu'il sortait d'un magasin de vêtements, près de la gare Saint-Lazare à Paris. Il est décédé des suites de ses blessures, dans la nuit, à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière. Toutes nos pensées vont à sa famille, à ses proches, et camarades auxquels nous exprimons toute notre solidarité.
Les Redskins Limoges appellent à un rassemblement à sa mémoire et pour rappeler que l’extrême-droite est un danger quotidien le samedi 8 juin 2013 à 17h30 place de la Motte.
L’EXTREME-DROITE TUE !
LE MEILLEUR HOMMAGE C’EST CONTINUER LE COMBAT !
NI OUBLI, NI PARDON !
2 interview de Matthias Bouchenot, auteur du livre récemment sorti chez Libertalia "Tenir la rue. L'autodéfense socialiste 1929-1938"
Interview de La Horde
Matthias Bouchenot s’est penché sur l’histoire des groupes d’action et des groupes d’autodéfense de la SFIO (Parti socialiste), principalement dans la fédération de la Seine durant les années 30. Ces groupes, « » (JGS) et « Toujours prêts pour servir » (TPPS), étaient à la fois des groupes chargés d’assurer la sécurité des cortèges et les meetings de la SFIO, ils avaient une ligne politique bien plus radicale que celle du parti.
-Pourquoi s’être intéressé au service d’ordre de la SFIO des années 1920-1930 et pas à celui de la CGT ou du PCF ?
Les services d’ordre de la CGT et du PCF font déjà l’objet de plusieurs études scientifiques, avec notamment les travaux d’Isabelle Sommier sur la CGT ainsi que ceux de Sylvain Boulouque et de Georges Vidal sur le PCF. Par ailleurs, si je me suis intéressé spécifiquement à l’autodéfense socialiste lors de cette période d’entre-deux-guerres, c’est aussi parce qu’elle relève d’une expérience originale et aboutie. C’est particulièrement le cas pour les Toujours Prêts Pour Servir (TPPS) et les Jeunes Gardes socialistes (JGS), les deux structures principales de l’autodéfense socialiste en région parisienne. Confrontée successivement au PC et aux ligues nationalistes, elle évolue entre noyau de milice révolutionnaire et services d’ordre légaux. Dans ces années marquées par une forte conflictualité politique et sociale, il n’est pas inintéressant de se pencher sur ces structures qui concernent des centaines – voire des milliers de militants – et qui ont fait l’objet d’importants débats au sein de la SFIO.
-Sur quelles sources as-tu travaillé ?
Je me suis aussi bien appuyé sur les textes de congrès et les articles de presse que sur les archives personnelles des dirigeants socialistes ou sur celles de la préfecture de police de Paris. Je n’ai pas négligé les Mémoires de militants socialistes de cette période et j’ai eu la chance de m’entretenir avec Eugène Boucherie, l’un des derniers acteurs de cette expérience. Il était militant aux Jeunes Gardes socialistes de Paris en 1935. Sur la question des sources, j’ai été confronté à trois types de difficultés. La première est que la SFIO n’a pas la culture bureaucratique de la trace écrite et n’a pas forcément eu le réflexe de ficher toute l’activité de ses groupes d’autodéfense, à l’inverse du PCF par exemple. Ces archives socialistes sont de toutes façon réduites à peu de choses, ayant été partiellement détruites en 1940 puis saisies par les Allemands, avant de passer plusieurs décennies à Moscou… pour finir par revenir en France. Bref, il restait encore à les classer pour partie, au moment où je les étudiais. La seconde difficulté est liée au passage de la SFIO au pouvoir et au relâchement de la surveillance policière sur les activités socialistes. La dernière est évidemment la nature souvent illégale de l’activité de l’autodéfense qui n’incite pas à s’embarrasser de preuves. Je pense cependant avoir réuni les éléments nécessaires pour tracer les contours d’une histoire de l’autodéfense socialiste dans les années 1930.
-On a du mal à s’imaginer aujourd’hui, mais la violence politique était bien plus élevée à cette époque qu’à l’heure actuelle. Est-ce que tu peux nous parler un peu des mœurs politiques de l’époque et des tentatives régulières, de part et d’autres, d’essayer de porter la contradiction dans les meetings adverses voir de les empêcher ?
Nous avons souvent en tête le titre de l’ouvrage de Daniel Guérin Front populaire révolution manquée, et les historiens eux-mêmes, comme Serge Berstein s’appuie sur une comparaison avec la Commune de Paris pour évoquer un affrontement « simulé » dans les années 1930. Les combats politiques de cette époque ont cependant fait une soixantaine de morts et des centaines de blessés. À gauche comme à l’extrême droite, la violence n’a alors rien de stigmatisant, bien au contraire. Les meetings, les affichages, les distributions de tracts et de journaux sont alors les principaux vecteurs politiques. En s’attaquant aux vendeurs de la presse adverse ou à ses meetings, on handicape sérieusement son développement. Dans la période dite « classe contre classe » (1928-1932), le PC n’hésitait pas à attaquer les meetings socialistes pour priver la SFIO d’audience dans les quartiers populaires de Paris.
-Marceau Pivert est un personnage incontournable de ton ouvrage. Peux-tu nous rappeler son parcours politique ainsi que ses positions ?
Marceau Pivert est en effet l’un des fondateurs des TPPS et leur dirigeant durant toute cette période. En 1914, c’est un jeune républicain belliciste, mais il ressort de la guerre malade et profondément pacifiste. Il évolue alors du Parti radical à la SFIO, où il rejoint la tendance de gauche dite « Bataille socialiste ». En, 1935, cet instituteur de Montrouge fonde sa propre tendance : la « Gauche révolutionnaire ». Il porte le projet d’un « Front populaire de combat » et montre souvent une plus grande proximité avec les organisations gauchistes (anarchistes, trotskistes, et marxistes révolutionnaires). Exclu de la SFIO en 1938, il fonde le PSOP, avec Daniel Guérin notamment. Au Mexique, en 1939, il propose son aide à De Gaulle.
-Est-ce que les TTPS ont incarné, en plus de leur mission de SO un courant politique au sein de la SFIO ?
Les TPPS sont en grande partie constitués de jeunes militants organisés à la faveur du Front populaire. Ils ne s’inscrivent pas nécessairement dans la tradition guesdiste d’éducateurs socialistes qui caractérisait la SFIO jusqu’alors. Ils sont épris d’action et montrent une sensibilité pour les thèses révolutionnaires. Leur direction est de toute façon toujours entre les mains de la Gauche révolutionnaire et parfois d’entristes trotskistes.
-Comment expliques-tu ce rapport méfiance/attirance entre les organisations politiques et leur service d’ordre ?
Je pense que dans les années 1930 (contrairement à ce qu’ont pu connaître certaines organisations d’extrême gauche dans la deuxième moitié du XXe siècle), la question du rapport du parti à son service d’ordre ne se pose pas en termes de méfiance/attirance. Les débats concernent plutôt la question de la prise/exercice du pouvoir et donc de la place de l’autodéfense dans cela. Ce que les majoritaires réformistes combattent, c’est d’avantage l’insurrectionalisme que les groupes de combats.
-Est-ce que tu sais ce que sont devenus les personnes engagées dans les TTPS ou les JGS lors de la seconde guerre mondiale ?
J’ai des informations pour quelques membres clairement identifiés comme André Weil-Curiel, responsable de l’état-major des TPPS, qui rejoint Londres en décembre 1940, mais il faudrait une étude plus approfondie et plus globale ; la question est parfaitement légitime. Je ne suis cependant pas certain que nous disposions des matériaux nécessaires.
Interview d'Alternative Libertaire:
Matthias Bouchenot : « Contester la présence des ligues nationalistes dans la rue »
Les années 1930 ont été le théâtre de violences fascistes particulièrement fortes. Face aux ligues d’extrême droite, l’autodéfense s’est organisée au sein des partis de gauche. Matthias Bouchenot, auteur de Tenir la rue, à paraître le 6 mai, revient pour nous sur les groupes d’action de la SFIO.
Alternative libertaire : Ce livre, issu de ton mémoire de master, s’intéresse à une histoire méconnue. Comment en es-tu venu à t’y intéresser ?
Matthias Bouchenot : Je voulais travailler sur les pratiques militantes des organisations révolutionnaires, étudier la manière dont leurs valeurs, leurs théories, leurs analyses des périodes politiques s’incarnaient dans l’action concrète.
Le sujet de l’autodéfense socialiste dans les années 1930 réunissait trois avantages : le premier, de n’avoir jamais été traité, le second, d’être accessible. Le troisième avantage est qu’il permet à la fois de reprendre le pouls de l’intensité du conflit politique dans les années 1930 et de s’interroger sur les réalités de la SFIO, à travers des expériences originales comme les Toujours prêts pour servir, l’organisme d’autodéfense socialiste de la région parisienne. Ceux-ci étaient utilisés aussi bien pour faire le service d’ordre de manifestations très officielles, que pour attaquer nuitamment des permanences de l’Action française.
Certains voyaient en eux des défenseurs des libertés républicaines, en cas de coup d’État fasciste, alors que d’autres les considéraient comme les futurs cadres de milices révolutionnaires. Voilà par exemple, ce que peut dire un tel sujet des années 1930 et de la SFIO. Cette étude est donc passée du mémoire au livre, et il faut saluer le beau travail d’édition de Libertalia.
Sur quelles sources as-tu pu t’appuyer pour documenter ce sujet ?
Matthias Bouchenot : Les pratiques fédéralistes et peu bureaucratiques de la SFIO des années 1930 n’ont pas facilité le travail de recherche. à cela s’ajoute la destruction en 1940 d’une partie des archives et le transfert d’une autre partie à Berlin, puis à Moscou.
J’ai cependant pu rencontrer l’un des derniers témoins de cette aventure, Eugène Boucherie, mort à la fin de l’année dernière. Les fonds d’archives de Marceau Pivert et de Jean Zyromski, les textes des fédérations, les comptes-rendus de congrès et la presse forment l’essentiel des sources. Il faut ajouter à cela, bien évidemment, les archives de la préfecture de police.
Les partisans de Marceau Pivert semblent les plus actifs dans la théorisation de l’autodéfense et dans sa mise en oeuvre. Cette division entre révolutionnaires activistes, prêts à faire le coup de poing, et réformistes prudents est-elle indépassable ?
Matthias Bouchenot : Sans aucun doute, l’autodéfense socialiste était associée à la tendance Gauche révolutionnaire de Marceau Pivert, celui qui annonçait en 1936 : « Tout est possible ! ». Il est donc tentant d’affirmer que ce sont les révolutionnaires, seuls, qui ont porté l’autodéfense dans la SFIO, malgré les réformistes légalistes tournés uniquement sur la question électorale, mais l’histoire est toujours un peu plus complexe.
Certes, ce sont bien les révolutionnaires de la SFIO (socialistes révolutionnaires et trotskistes) qui ont fourni les cadres de l’autodéfense, mais ils ne l’ont pas toujours construite contre le reste du Parti. Jusqu’en 1935 environ, ils ont reçu, si ce n’est le soutien de l’ensemble de la SFIO, au moins l’accord des dirigeants.
A la fin des années 1920, lorsque sont remis sur pied des groupes d’autodéfense, l’objectif est d’assurer la tenue des réunions publiques des campagnes électorales de la SFIO. Elles étaient souvent l’objet d’attaques de la part du PCF, et particulièrement dans les arrondissements populaires.
Le divorce entre révolutionnaires activistes et réformistes légalistes sur la question de l’autodéfense n’est donc intervenu que plus tard.
Les militants de la SFIO mais également d’autres organisations (anarchistes, communistes…) sont alors déterminés à ne pas laisser le pavé à l’extrême droite…
Matthias Bouchenot : Oui, dans ce livre, je resitue l’action de l’autodéfense socialiste en région parisienne dans le cadre du Front populaire et des milieux révolutionnaires de l’entre-deux guerres.
Avec l’émergence du Front populaire, la première préoccupation des groupes de combat socialistes a été de contester la présence des ligues nationalistes dans la rue. Elles dominaient dans certains quartiers (comme le symbolique Quartier latin), grâce à leurs pratiques militaristes particulièrement violentes. Pour faire face à elles, l’autodéfense socialiste s’est cherché des alliés.
Elle les a trouvés naturellement dans les organisations du Front populaire, mais pas particulièrement du côté du PCF ou des radicaux. Plutôt du côté des organisations nouvelles nées dans le foisonnement politique des années 1930, comme le Front commun de Bergery.
Elle les a aussi trouvés par-delà le Front populaire, dans les milieux révolutionnaires, trotskistes ou anarchistes, habitués de l’action directe. En se rapprochant de ces mouvances-là, les dirigeants révolutionnaires de l’autodéfense socialiste marquaient aussi leur éloignement de la ligne majoritaire du Parti, ce qui explique que la majorité ait été alors embarrassée par les groupes de combat socialistes.
Peut-on faire des parallèles entre les années 1930 et nos jours ? Et ainsi tirer des enseignements contemporains de leur expérience, dans un climat de montée de l’extrême-droite ?
Matthias Bouchenot : Bien souvent, lorsqu’on veut prendre pour comparaison l’histoire afin d’éclairer une situation actuelle on a le droit à l’adage mécaniste « l’Histoire se répète », ou au contraire à : « l’Histoire ne se répète pas, elle bégaie », pour ceux qui veulent donner l’allure du marxisme à leur ignorance.
Au passage, cela permet d’affirmer que le danger fasciste appartient au passé et cela justifie de ne pas s’en préoccuper… Pour ma part, je me contenterai de dire que ce qui était vrai en 1930 l’est toujours en 2014 : le capitalisme est un système de crises. De crises économiques, mais donc aussi de crises sociales et politiques.
La montée du racisme et du nationalisme, de nos jours comme dans les années 1930, ne doit rien au hasard. C’est l’écran de fumée que dégagent les possédants pour masquer leur responsabilité dans ces crises. Pour véhiculer les dérivatifs à la colère populaire, ils ont besoin de forces politiques, d’où l’essor actuel de l’extrême droite. Mais attention : je ne dis pas que les capitalistes sont forcément nationalistes ou racistes.
Dans le viseur de l’extrême droite, on retrouve bien évidemment les révolutionnaires qui doivent à nouveau faire face aux actes de violence des nervis fascistes. Il n’est donc pas inintéressant pour les antifascistes de se souvenir de leurs héritages, notamment des pratiques et des réflexions socialistes face à la violence des ligues…