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Histoire des Comités Syndicalistes Révolutionnaires (CSR)

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Texte paru en 2 parties dans "Syndicaliste !" (Revue des CSR):  http://syndicaliste.fr/

 

L’évocation des CSR dans les ouvrages d’Histoire est très partielle, voire totalement occultée. Les ouvrages consacrés au mouvement syndical sont obligés d’évoquer les CSR mais de façon bien évasive, à tel point que l’on finit par se demander si la presse et les archives d’époque ont véritablement été feuilletées par les historiens.
Nous avions nous mêmes fini par sous-estimer l’action des CSR, ne voyant en eux qu’un simple et provisoire instrument d’affrontement interne dans la CGT.

Pourtant les CSR ont pour particularité d’avoir été l’organisation révolutionnaire la plus puissante qui n’ait jamais existé. Les archives internes des CSR n’ont toujours pas été retrouvées. Pour donner une estimation de son influence on doit donc se reporter aux comptes rendus d’activités publiés alors dans chaque numéro de la Vie Ouvrière et de L’Humanité, chacun de ces journaux y consacrant une rubrique spéciale.
Victor Godonnèche, dans un article de 1922, établit le chiffre de 15 000 adhérents individuels, dont 7 000 dans le département de la Seine (Paris et proche banlieue). En outre, de nombreux syndicats ont adhéré en tant que tel à la tendance. Tous les membres de ces syndicats n’étaient pas des militants SR mais ceux qui l’étaient viennent s’ajouter aux adhésions individuelles. Ce sont donc plusieurs dizaines de milliers de militants qui intègrent les rangs des CSR.
En décembre 1921, les syndicats acquis aux CSR sont désormais majoritaires dans la CGT. En un an, la tendance a donc réussi à transformer le rapport de force dans la confédération. Ce qui explique le basculement des UD et des fédérations. La progression des syndicalistes révolutionnaire (SR) est réelle et constante avant octobre 1920 mais avec la création de la tendance elle devient fulgurante. Chaque semaine des organisations puissantes basculent, suite à la tenue de congrès.
La raison en est simple : la bureaucratie, organisée au sein des instances officielles de la CGT, trouve désormais en face d’elle une organisation parallèle menant un débat systématique dans les syndicats, les UL, les UD et les fédérations. À chaque congrès remporté par la « minorité », la tendance réformiste perd le contrôle d’un rouage de l’appareil. L’organisation lui échappant rapidement, elle finit donc elle aussi par s’organiser dans la précipitation en tendance plus ou moins secrète.

Le premier succès des CSR est d’avoir permis l’unification organique des révolutionnaires, une unification qui permet provisoirement une autre unification, stratégique.
Nous verrons que la décomposition des CSR a eu pour effet de produire une décomposition politique du mouvement révolutionnaire ouvrant la voie à 90 années de sectarisme et de confusion.

Une lente maturation

En 1914, le mouvement syndicaliste révolutionnaire traverse une crise profonde. Dans la CGT, rares sont les organisations qui maintiennent leur orientation « révolutionnaire ». Même parmi les syndicats les plus acquis aux thèses SR, la démoralisation politique est profonde. Les « minoritaires », tels qu’ils vont désormais s’appeler, sont amenés à constater que seules les organisations de tendance ont conservé leurs repères, en l’occurrence le groupe de La Vie ouvrière et les Jeunesses syndicalistes. Il faudra attendre encore un certain temps pour que des fédérations à majorité SR, comme celle de l’Education, se redressent.
Pour les minoritaires il s’agit désormais de s’organiser en regroupant les éléments sûrs. Mais la structuration des syndicats ne doit pas pour autant être laissée de côté. Les forces sont tellement réduites qu’il faut aussi attirer à soi les intellectuels écœurés par les atrocités de la guerre.
Car l’enjeu immédiat n’apparaît pas être la Révolution mais l’arrêt des hostilités. Les premiers regroupements vont donc prendre la forme d’une succession d’initiatives rassemblant de façon confuse des organisations de « masse » et des militants mais aussi structures syndicales et des structures affinitaires.

Contrairement aux âneries écrites depuis des décennies, le SR ne sort pas discrédité de l’épreuve de 1914. Au contraire, c’est le seul courant à avoir maintenu un minimum d’intégrité. Les autres courants, ceux-là même qui se présentaient comme un dépassement de la crise du syndicalisme de 1909, sombrent totalement dans la collaboration de classe. C’est le cas des guesdistes, de l’ultra gauche organisée autour de La Guerre sociale mais aussi du courant anarcho-communiste dont les principaux meneurs rallient l’Union sacrée.
Il n’apparaît donc pas étonnant que la priorité pour les bolchéviques est de rallier à eux le courant SR. Mais ce sont avant tout les jeunes militants ouvriers qui utilisent le SR comme pôle de ralliement.

Les SR se sont retrouvés dès 1914 à l’avant-garde de la lutte contre la guerre. Cette hégémonie va se confirmer avec le développement des grèves en 1916. La lutte anti-militariste s’appuie désormais sur des mobilisations ouvrières, le plus souvent animées par les SR. Un Comité de Défense syndicaliste se donne pour vocation de structurer cette action. Mais ce CDS regroupe de façon confuse des syndicats et des comités locaux de militants.
Cette confusion est d’autant plus regrettable que la situation syndicale est en train de changer. La révolution russe de février 1917 donne une impulsion à tout le mouvement ouvrier européen. L’enjeu n’est plus seulement de stopper la guerre mais la perspective socialiste commence à réapparaître à l’horizon.
Cette évolution s’accélère avec la révolution russe d’octobre 1917. Désormais, chaque militant doit choisir entre une option réformiste et une option révolutionnaire. La nécessité d’outils révolutionnaires devient désormais une priorité. La majorité de la bureaucratie syndicale française refuse catégoriquement la perspective révolutionnaire. Elle va donc manœuvrer pour encadrer les luttes ouvrières qui se font de plus en plus massives et violentes. Un affrontement politique s’accentue un peu plus chaque jour dans la CGT, ce qui renforce le besoin d’organisation interne pour les « minoritaires ».
Cette nécessité va être provisoirement fragilisée par des initiatives extérieures. Nous verrons que certains militants essaient de créer une autre confédération. Mais des révolutionnaires tentent aussi de s’organiser sur une base affinitaire, en reproduisant un modèle bolchévique idéalisé. Un premier Parti communiste est constitué en 1919 par le rassemblement de la mouvance d’ultra-gauche (libertaire et marxiste). Il se veut un dépassement du SR et fantasme sur des « soviets » à la française qui ne seront jamais autre chose que des groupuscules de militants. Sa composition sociale et sa vision idéaliste de la Révolution transforment rapidement l’initiative en fiasco total.
En parallèle, les tendances de « gauche » et du «centre » dans SFIO (PS) commencent à pousser dans le sens d’un ralliement à l’Internationale communiste. Cette démarche crée un élan mais les plus syndicalistes et les plus perspicaces savent très bien que ce parti, même épuré de ses membres les plus compromis dans la collaboration de classe, ne sera jamais un parti révolutionnaire et encore moins prolétarien.

C’est donc ailleurs que les révolutionnaires vont s’organiser : dans leur organisation de classe.

L’action des CSR

Les CSR vont animer deux grands axes d’intervention, qui sont bien entendu liés. Le premier, celui qui va concentrer le maximum d’énergie, c’est la propagande dans la CGT afin d’obtenir un changement de majorité. Cette action remportera un succès quasi-total.
Mais les CSR se fixent aussi une action clairement révolutionnaire, en tant que tendance dans la CGT.

La bataille de tendance dans la CGT :

La conquête des UD est planifiée par des tournées de propagande, organisée à un échelon « régional ». Les bastions déjà constitués servent de point d’appui.

Mais l’élément fondamental va être le basculement, le 28 novembre 1920, de l’UD du Département de la Seine. Ce fait n’est pas un accident. La victoire des CSR est acquise grâce au travail de tendance déjà entrepris par le Comité des Syndicats minoritaires de la Seine. Ce dernier s’est déjà transformé en CSR départemental, regroupant comme son prédécesseur à la fois les Syndicats minoritaires et les noyaux professionnels CSR. Un congrès départemental des CSR se tient le 31 octobre et premier novembre 1920. L’ordre du jour est consacré à la préparation du prochain congrès de l’UD. Mais cette perspective s’inscrit dans une vision bien plus politique que la simple conquête de l’UD. Les militants des CSR ont conscience que leur UD jouera un rôle déterminant dans le processus révolutionnaire qu’ils pensent proche. Ainsi il est décidé de relancer et d’appliquer au plus tôt la fusion des derniers syndicats de métiers dans de puissants syndicats d’industrie, ceci afin de préparer les luttes efficacement mais aussi de permettre la gestion de l’économie par les Syndicats avec des « conseils d’usines » dans chaque entreprise. Le CSR de la Seine entend aussi combattre pour la reconnaissance de « délégués d’atelier, de chantier, de bureau et de magasin » pour renforcer le pouvoir syndical dès à présent dans les entreprises.

Le 9 décembre 1920, ce sont trois membres des CSR, qui sont élus comme secrétaires de l’UD. L’impact est terrible pour la direction réformiste car l’UD de la Seine constitue l’organisation la plus puissante de la CGT. Et dans cette victoire, l’action des CSR est apparue comme un véritable rouleur compresseur. Ce sont les « CSR- Comité des Syndicats Minoritaires de la Seine » qui ont pris en main la campagne électorale interne. Dans une circulaire départementale signée de Dondicol, qui fait suite au congrès, le CSR départemental organise l’élection du Bureau et de la CE. À cette date, le congrès a déjà été gagné. Il s’agit désormais de proposer une équipe militante destinée à « reprendre le travail de recrutement et d’organisation » et à assurer un travail « d’éducation révolutionnaire de la masse ». « Pour réaliser cette action, une unité de vue, une homogénéité parfaite du bureau et de la CE sont indispensables. Un même idéal doit animer ceux à qui incombera la responsabilité de diriger l’organisation. C’est pour cela que le CSR de la Seine vous demande instamment de voter pour tous les candidats qu’il présente, mandatés par 50 syndicats, et d’éviter tout panachage qui serait un obstacle pour mener à bien la gestion de notre union ».
Le résultat des ces élections ne démontre pas seulement la progression rapide des CSR, elle souligne aussi les tensions internes. Dans le département de la Seine, il n’est désormais plus envisageable de travailler correctement avec une CE représentative de l’ensemble des syndicats. Les révolutionnaires, tout comme les réformistes, veulent fonctionner de façon homogène. Il n’y a plus de confiance quant à l’application des mandats par les représentants syndicaux de l’autre tendance.

Le basculement de l’UD de la Seine était plus que prévisible. Mais le même jour c’est l’UD de Moselle qui tombe aussi. Le fait est d’autant plus déconcertant pour la direction confédérale que dans ce département les militants du CSR ont été peu actifs. La Moselle n’a pas été une priorité fixée par la minorité révolutionnaire.

D’autres départements appliquent rapidement les décisions nationales de septembre 1920.
Mais les événements s’accélèrent au début de l’année 1921. La campagne de purge lancée contre les militants du CSR provoque une réaction positive. Ainsi à Rouen, un militant qui se dit « opposé jusqu’ici à la formation des CSR tels qu’ils sont conçus » se lance dans la tâche de constituer un CSR local. Sa réaction n’est pas individuelle. La création des CSR est donc souvent une réaction aux manœuvres anti-démocratiques des bureaucrates réformistes. Ces réactions salutaires sont constatées dans plusieurs départements mais aussi dans des centres qui n’étaient toujours pas actifs.

Avant même que l’année soit achevée, les militants des CSR animent désormais plus d’UD que les réformistes. Cela est d’autant plus inattendu que le changement de majorité est le plus souvent voté à une large majorité.

L’offensive dans les fédérations d’industrie :

Dès le 26 novembre 1920, la VO établit un état des lieux de l’avancée de l’organisation dans les fédérations d’industrie. Au Comité central du 3 janvier, 17 fédérations sont déjà représentées par des « Sous Comités fédéraux », le plus souvent animés par des militants du département de la Seine.

En mai 1921, les CSR obtiennent la majorité des suffrages lors du congrès fédéral du Bâtiment et constituent une nouvelle CE acquise à la tendance.
Ce basculement provoque une réaction saine dans la branche. L’année va être marquée par un conflit de trois mois des ouvriers du bâtiment dans la région Nord Pas de Calais, pourtant acquise à la majorité confédérale. La Fédération, à majorité révolutionnaire, s’investit dans la lutte et soutint la lutte victorieuse contre la baisse des salaires.
Les CSR progressent dans toutes les fédérations et gagnent la majorité dans de nombreux syndicats. Et même si la majorité des Fédérations restent entre les mains des réformistes, cette « majorité » devient de plus en plus artificielle car elle repose sur le contrôle de l’appareil. En effet, contrairement à ce qui a souvent été écrit par les historiens, la tendance SR est surtout influente dans les gros syndicats. C’est d’ailleurs logique puisque les SR sont pour la fusion des syndicats de métiers dans de puissants syndicats d’industrie. Les réformistes ne conservent donc leur contrôle qu’en s’appuyant sur une profusion de petits syndicats de province.
En revanche, dans les départements et dans les Bourses du Travail, les CSR à la fin de l’année 1921 sont le plus souvent hégémoniques. Il apparaît donc que certains syndicats continuent de faire confiance aux responsables fédéraux réformistes, afin de ne pas déstabiliser ces organisations, mais localement ils se solidarisent souvent avec les militants des CSR.

Une impulsion révolutionnaire :

Nous avons dit qu’en 1920 les révolutionnaires choisissent de s’organiser en priorité dans leur tendance syndicale. Cela est tellement vrai que l’on est étonné par la lecture de l’Humanité. Après le congrès de Tours de décembre 1920 et la création officielle de la SFIC (PC), ce dernier en est réduit à soutenir les luttes menées par les CSR. Le phénomène est tel que les dirigeants intellectuels les plus modérés du Parti (Vaillant Couturier, Cachin,..) sont contraints d’assurer des tournées de propagande pour appeler les ouvriers à s’organiser… dans les CSR.
Cette réalité est d’autant plus importante à souligner que ces militants se considèrent être dans une période pré-révolutionnaire. Le choix de renforcer en priorité l’organisation syndicale est donc profondément politique.
L’année 1920 est pourtant marquée par une terrible défaite pour le mouvement ouvrier et plus particulièrement pour la tendance révolutionnaire. De nombreuses organisations sont affaiblies sous l’impact des licenciements. Cependant il faut constater que la démoralisation n’est que partielle. La perspective révolutionnaire demeure très présente chez la majorité des militants. Les grèves de 1920 n’apparaissent donc que comme une étape, un recul momentané, en attendant la prochaine poussée.
Pour certains militants, la lutte interne dans la CGT est vécue, il est vrai, comme une échappatoire à l’organisation de nouvelles luttes. Mais ce comportement est encore minoritaire. Le contexte international est toujours à la poussée révolutionnaire et les liens entre les organisations SR de chaque pays n’ont jamais été aussi renforcés et permanents. Au moment où s’organise le congrès d’Orléans, l’Italie connaît une vague de grèves inégalées. La Révolution apparaît imminente en Allemagne. L’Irlande est en proie à une insurrection contre l’occupant anglais, une révolte dans laquelle les syndicalistes révolutionnaires irlandais lancent des grèves et des occupations d’usines.

Les CSR agissent donc dans une situation politique et organisationnelle très spécifique. En cette fin d’année 1921, une série de grèves, locales mais puissantes, intervient. C’est tout d’abord l’industrie textile qui se mobilise. Ces conflits s’organisent sur une base défensive, le patronat essayant d’imposer des réductions de salaires. Ces attaques sont menées le plus souvent sur une échelle locale mais généralisées à une profession. Cette situation favorise donc l’action des Syndicats d’industrie animés par les militants des CSR.
Là aussi les CSR doivent faire avec une UD et des syndicats d’industrie encore acquis aux majoritaires. Ainsi lorsque Lauridan, au nom des CSR, propose à l’UD la transformation de cette grève corporative et défensive en une grève offensive et révolutionnaire, il est mis en minorité.
Mais le Comité central de Grève est acquis aux CSR et le mouvement de grève est l’occasion du basculement de nouvelles organisations dont la puissante Bourse du Travail de Tourcoing. La question est donc celle de la coordination de tous ces mouvements localisés en une grève nationale À la même date, il faut aussi noter la grève du textile dans les Vosges. La majorité de cette UD est acquise au SR mais les militants refusent d’organiser des CSR pour essayer de maintenir l’unité interne.

Cet exemple du textile est très intéressant car il démontre l’incapacité des CSR à généraliser la grève à l’échelle nationale. Tout d’abord pour une raison objective, ces luttes sont défensives et le calendrier est donc difficilement gérable par les CSR. Mais le principal obstacle vient de situations organisationnelles bien différentes. Ils doivent faire avec des UD, des syndicats locaux mais aussi une Fédération le plus souvent encore aux mains des réformistes. Les carences de la Fédération ne peuvent être dépassées que par l’action d’un comité fédéral des CSR, coordonnant les syndicats et les militants « minoritaires ».
Or en 1921, l’action de CSR organisés comme outils pour dépasser ces obstacles n’est pas toujours une réalité de terrain. La coordination est encore difficile. L’élargissement des luttes au niveau national ou localement à d’autres professions est encore fragilisé par le contrôle des réformistes sur certaines organisations.

Début octobre, le Comité Central des CSR lance un appel pour préparer de « grands meetings de protestation et des défilés d’organisations révolutionnaires devant l’ambassade et les consulats des USA » afin d’exiger la libération de Sacco et Vanzetti. Dès le 28 octobre 1921, l’Union des Syndicats de la Seine appelle à un grand meeting unitaire dans le cadre du Comité d’Action de Bobigny avec le PC, les JC, l’ARAC,… La stratégie du Front unique permet de mobiliser dans cette campagne unitaire toutes les organisations prolétariennes.

Mais les CSR reprennent aussi leur action internationaliste en la radicalisant. La réunion du CC (Comité central) du 15 mars 1921 décide de contacter les organisations prêtes à agir « révolutionnairement contre la guerre » afin de constituer un Comité national. La décision n’en reste pas là. Le Syndicat des Métaux de la Seine, ainsi que d’autres acquis aux CSR, reprend le mot d’ordre de refus de produire des munitions. Des actions sont menées par le syndicat à Roubaix contre la commande de munitions passées par le gouvernement français.
L’organisation de la tendance
L’organisation des CSR est directement liée à son projet politique. Nous allons voir que la tendance est traversée d’un débat qui fait apparaître deux orientations qui vont progressivement s’opposer.

L’impulsion de Marie Guillot :

La création de cette tendance est due à l’initiative de l’équipe de la Vie ouvrière et plus particulièrement à celle de Marie Guillot. L’impact de Marie Guillot est d’autant plus important que son action a été volontairement occultée. Cela est d’autant plus étonnant que les historiens et les féministes ont largement critiqué le machisme du syndicalisme-révolutionnaire. Pourtant les CSR sont certainement parmi le seul exemple d’une organisation ouvrière nationale créée par une femme.

C’est elle qui va pousser à la constitution de CSR dans sa fédération puis dans toute la CGT. Cette initiative s’explique tout d’abord par le contexte particulier dans l’Education. À la sortie de la guerre, un grand nombre de membres des amicales d’instituteurs, des corporations modérées, engagent un processus de fusion avec la CGT. Or la Fédération de l’Enseignement avait été à la pointe de la lutte contre la guerre, préservant son orientation SR. Le débat s’engage alors dans la Fédération sur la question de son élargissement. Certains s’opposent à l’entrée massive d’anciens amicalistes.
Marie Guillot pense l’inverse et elle estime que le syndicat ne peut se préparer à gérer la société que s’il regroupe dans ses rangs un grand nombre de travailleurs. Elle propose donc la création de CSR comme une réponse à l’entrée massive des réformistes dans la Fédération, positionnant de fait les SR en tant que minorité. La création d’une tendance organisée est une déclinaison correcte de la Charte d’Amiens et de ce qui deviendra ensuite le Front Unique. Tout en acceptant une fusion qui accorde de fait la majorité aux réformistes, les SR choisissent de maintenir une intervention spécifique, cette fois-ci sous la forme d’une tendance.
Un appel à la constitution de CSR est lancé le 6 décembre 1919 dans L’École Émancipée puis dans La Vie Ouvrière. En trois mois, Marie Guillot reçoit des réponses favorables dans 30 départements. Ce sont soit des syndicats départementaux soit des militants qui prennent contact. L’École Émancipée, la revue de la Fédération publie désormais une « Tribune des CSR ».

Pendant un an, Marie Guillot dépense une énergie importante pour convaincre ses camarades de créer un comité dans chaque syndicat départemental, des comités qui vont finir par se doter d’un Comité Central fédéral.
La tendance se réunit à la veille du congrès fédéral, le 10 août 1920. De nombreux délégués sont présents et le travail fourni est très riche. La tendance se dote d’un bureau qui sera animé par le CSR de Saône et Loire, celui de Marie Guillot. C’est lors de cette réunion qu’est décidé non seulement de prendre contact avec toutes les minorités fédérales, mais aussi de leur demander la création de CSR dans les autres fédérations. C’est Marie Guillot qui se charge de cette démarche.
Un appel est donc publié dans la VO avec la perspective de la préparation du congrès minoritaire d’Orléans, à la veille du congrès confédéral. Ce document de travail est rigoureux. L’axe d’intervention des CSR est explicité en détail et ne se limite pas à décider de son adhésion symbolique à l’Internationale Communiste.
Le CSR de l’Enseignement a élaboré un projet de société avec pour « base de l’organisation politique le régime de la souveraineté prolétarienne directe. ». Le prolétariat doit « combattre, par la violence s’il le faut, pour posséder de manière exclusive les moyens de production et d’échange et mettre la main sur les pouvoirs publics afin de réaliser son dessein ». « Il est obligé, l’événement l’a montré, d’établir la dictature du prolétariat pour atteindre son but », une dictature qui se veut « momentanée ».
Les CSR doivent dès à présent élaborer un plan de socialisation de l’économie, et établir « de façon précise » les « ressources » de chaque corps de métiers.
La vision révolutionnaire n’est pas spontanéiste. Au contraire « notre action actuelle tend : à créer des cadres révolutionnaires dans toutes les fédérations. Créer un organisme central. Des organismes intersyndicaux, régionaux et locaux ». Il s’agit également de propager les idées révolutionnaires et faire connaître la Révolution russe.

Il s’agit désormais d’étendre ce type d’organisation révolutionnaire à toutes les fédérations mais surtout à tous les départements. Car la prise de conscience en revient encore à Marie Guillot. Elle estime que l’actuelle organisation des SR, en un Comité de Syndicats Minoritaires n’est pas efficace. Car ce type d’organisation laisse de côté de nombreux militants minoritaires dans leur syndicat. Il empêche une dynamique collective permettant de coordonner les efforts pour faire basculer les syndicats, leurs unions et fédérations. Mais, fait tout aussi important, il occulte de former les militants.
Comme nous l’avons dit, à la veille de leur congrès fédéral, les CSR de l’Enseignement lancent une proposition de construction de CSR à tous les niveaux. Marie Guillot utilise ses connaissances personnelles pour faire aboutir le projet. Après l’adhésion de Pierre Monatte et d’autres meneurs au projet, un appel est donc publié dans la Vie Ouvrière du 10 septembre 1920. La question va être soumise à la réunion nationale des Syndicats Minoritaires, organisée la veille du congrès confédéral.

Le congrès de fondation :

L’appel des CSR de l’Éducation reçoit un accueil favorable. Il existe déjà dans plusieurs Fédérations des regroupements de syndicats « révolutionnaires ». Des comités locaux regroupent aussi des militants syndicalistes révolutionnaires. Enfin le Comité des Syndicats Minoritaires renforce son action. Mais les projets des CSR de l’Education visent à doter le courant d’une structuration stable, efficace et globale. Le projet est donc débattu dans de nombreuses réunions ou AG destinées à préparer le congrès d’Orléans de septembre 1920. C’est le cas lors du Congrès minoritaire de la Seine qui se réunit le 5 septembre. La résolution votée au nom de ce « Congrès des syndicats minoritaires et des groupes de propagande ou de vigilance syndicaliste de la région parisienne » se fixe comme perspective : « Si le congrès d’Orléans manque à sa tâche ou ne l’accomplit qu’à demi, nous demandons à tous les révolutionnaires épars dans le mouvement, syndicats, groupes minoritaires, militants isolés, de concentrer et d’organiser leurs forces dans la CGT, des fédérations et des UD …. »

Le Congrès aborde la question de la structuration de la tendance révolutionnaire. Le travail de Marie Guillot a porté ses fruits et le mouvement syndicaliste révolutionnaire va connaître un saut qualitatif. Dès le premier jour, une commission d’organisation est donc nommée pour travailler. On y retrouve Marie Guillot.

Cette initiative est l’occasion de constater des divergences entre trois modèles. Les syndicats dissidents de Marseille ont pu participer aux travaux du congrès mais leur position est totalement contestée et discréditée. La politique de la scission est rejetée. L’enjeu est désormais de gagner la majorité au sein de la CGT. Mais les objectifs fixés par le congrès vont bien au delà. Il s’agit désormais de doter la CGT d’une tendance révolutionnaire et pas seulement de regrouper ponctuellement des syndicats minoritaires. Le saut politique est donc de taille. La sensibilité anarcho-syndicaliste, représentée par la Confédération des Travailleurs du Monde et les anciens du Parti communiste de Péricat sort totalement discréditée du congrès minoritaire. La dynamique offensive marginalise cette mouvance pessimiste dont la seule perspective était de se replier sur de petits appareils sectaires.

La défense de la tendance face à l’option de scission remporte donc une victoire éclatante. Mais il faut désormais définir la forme que doit prendre cette tendance. Le congrès de la minorité ne va pas régler la question dans l’immédiat, ce qui expliquera que deux positions vont coexister pendant plusieurs mois avant de s’opposer.

Le rapport présenté par Marie Guillot sur l’organisation des CSR est simplement adopté. Cette unanimité souligne le soutien massif apporté à cette décision mais il est également le symptôme d’une adhésion trop rapide, et donc peu réfléchie, au projet. Marie Guillot doit d’ailleurs insister pour que la commission s’organise lors de la réunion pour réfléchir aux modalités de structuration des CSR. Les motions minoritaires, condamnant les bureaucrates réformistes et proclamant l’action révolutionnaire de la CGT, passionnent bien plus les délégués. Les résolutions sont rapidement approuvées par la commission puis votées par le congrès. Comme nous l’avons dit, cela est dû à la qualité du travail préparatif de Marie Guillot, mais aussi à la prise de conscience encore trop superficielle, de la nécessité d’une tendance révolutionnaire.

Rien n’est donc réglé de la question de la structuration de la tendance. Doit-elle regrouper exclusivement les militants révolutionnaires ou doit-elle être élargie à tous les syndicats, UD et fédérations gagnées majoritairement aux thèses du SR ? La question n’est pas tranchée et va affaiblir l’action des CSR et le projet stratégique que ceux-ci portent.

Cependant, peu de temps après le congrès constitutif des CSR, La VO publie le texte qui expose l’organisation de la minorité : « Puisque notre congrès minoritaire en a esquissé les grandes lignes, il s’agit maintenant de se mettre à la besogne, et tout de suite, pour matérialiser l’idée et créer un organisme solide, vivant, actif en même temps qu’assez souple pour se plier aux nécessités du recrutement et de l’action. Dans son ensemble, le projet élaboré par la commission Marie Guillot répond bien à ces nécessités, particulièrement en ce qui concerne la province. Le groupement local, syndical ou intersyndical, doit être notre base naturelle :

- là où existent de grandes entreprises industrielles et des syndicats numériquement importants : constitution de noyaux dans chaque syndicat de métier ou d’industrie ;

- là où l’activité industrielle est nulle et les syndicats peu importants (ou si l’élément réformiste est prépondérant) : formation de noyaux intersyndicaux avec les éléments épars dans les syndicats majoritaires ; le tout constituant le groupe local, adhérant par le canal départemental, au groupe régional et par celui-ci au Comité central.

Les syndicats minoritaires peuvent adhérer en bloc au groupe local, moyennant une cotisation de 5 francs par mois, payable par trimestre et d’avance. Dans le département de la Seine nous devons tenir compte de la situation particulière. Existant de fait de la grande concentration industrielle. Ici, la cellule de base sera surtout corporative ayant ses racines directes dans le syndicat de métier ou d’industrie. Il y aurait intérêt dans ce cas à ce que la représentation au sein de groupement départemental de la Seine soit professionnelle et non pas locale. Chaque noyau parisien deviendrait un « noyau central » pour sa fédération de métier ou d’industrie. Et il aurait à entretenir avec les éléments de province affiliés à sa fédération des relations très suivies, non seulement pour activer le recrutement mais encore pour faciliter la besogne de nos commissions de statistiques. Il faut prévoir aussi que le noyau central de fédération pourra jouer plus tard dans les circonstances révolutionnaires un rôle prépondérant dans la prise de possession des instruments de production, de l’organisation du travail et la répartition des matières premières. Notre Comité central sera définitivement constitué dans les premiers jours de la semaine prochaine. Y seront représentées toutes les fédérations d’industrie et de métiers affiliées à la CGT. Dans un délai très proche nous allons organiser un vaste meeting pour exposer aux syndicalistes révolutionnaires de la région parisienne les positions de la minorité au lendemain du congrès d’Orléans et la nécessité de nos « noyaux ». Ensuite nous verrons à convoquer un nouveau congrès des organisations minoritaires de la région dans le but de déterminer plus exactement nos moyens de propagande, de recrutement et d’action.

D’ici quelques jours il faut que nos principaux groupes régionaux soient debout et que les noyaux locaux et syndicaux poussent comme des champignons. Nos amis, tous nos amis, doivent se donner de tout leur cœur. La mise en route sera d’autant moins dure que nous nous consacrerons tout entier. Et il faut faire vite car le temps presse ; la réaction mondiale ne désarme pas. La Révolution russe, créatrice de l’Internationale syndicale à laquelle nous venons d’adhérer, est plus que jamais menacée et tant que nous n’aurons pas établi une organisation solide, faite d’éléments disciplinés nous serons impuissants à lui venir en aide : il faut que nous fassions à travers le pays la besogne d’assainissement moral et de redressement syndical, qui arrachera la classe ouvrière, instinctivement révolutionnaire à l’influence pernicieuse de ceux qui ont trahi son idéal.

Dans le détail notre plan d’organisation est révisable ; nous verrons à l’usage quelles modifications doivent être apportées. Pour l’instant nous devons nous attacher à regrouper par syndicats, par fédérations, par localités, par régions les éléments des minorités plus ou moins isolés et cette chose n’est pas au dessus de nos forces. Pour arriver à la création de nos conseils d’atelier, à nos délégués d’ateliers, il nous faut d’abord constituer nos « noyaux ».

Au fur et à mesure qu’ils constitueront les groupements, nos amis voudront bien nous en faire parvenir une relation que nous publierons dans la Vie ouvrière ce qui permettra à chacun d’en tirer, pour sa propre région, des initiatives heureuses par nous signalées. Les cartes d’adhésion du CSR sont à la composition, ils seront au format de la carte confédérale de telle façon à se plier avec celle ci. En plus des formules habituelles notre carte contiendra une notice indiquant les buts poursuivis par le CSR, son fonctionnement, ses ressources. Et puisque nous sommes au chapitre « ressources » je rappelle que le prix de la carte annuelle d’adhésion est de 5 francs sur lesquels :

2 francs va au comité central 1 franc va au groupement région 1 franc va au groupement départemental

1 franc va au groupement local D’ores et déjà nos camarades peuvent adresser leurs commandes à notre trésorier général : Labonne, Syndicat des Métaux, 3 rue du Château d’eau Paris. Le secrétaire suppléant, V. Godonnèche, à la « Vie ouvrière »

Analysons ce texte politique. Nous voyons une proposition d’organisation plaquée sur la structuration de la CGT. La seule nouveauté est l’apparition de groupements régionaux. Ils n’ont pas à proprement parlé de fonction politique mais doivent assurer une aide aux groupements départementaux dans le domaine de la propagande et de l’implantation. Si l’organisation n’a rien d’innovant, en revanche la forme prise par l’organisation révolutionnaire est un dépassement des faiblesses passées des SR. Dans cette période pré-révolutionnaire, le syndicat n’est pas considéré comme systématiquement révolutionnaire. Des syndicats peuvent adhérer en tant que tel au CSR mais la structuration repose avant tout sur des adhésions individuelles de militants révolutionnaires. C’est donc une avancée de taille par rapport à certaines réticences d’avant 1914 quant il s’agissait d’organiser des tendances dans la CGT. Les CSR ne sont pas une simple tendance de la CGT qui se limiterait à préparer les congrès. Ainsi les « noyaux centraux de fédération des CSR » devront jouer un rôle prépondérant « dans la prise de possession des instruments de production ». L’objectif est donc bel et bien de déborder certaines structures de la CGT et donc de se doter d’une organisation révolutionnaire complémentaire agissant sur des bases spécifiquement révolutionnaires. Les faiblesses de la grève de 1920 sont donc analysées correctement. La CGT n’étant pas encore une organisation majoritairement révolutionnaire, elle ne peut coordonner à elle seule l’action révolutionnaire. Les syndicats acquis à la stratégie révolutionnaire peuvent donc adhérer aux CSR et s’y coordonner avec les noyaux et militants minoritaires. Le tout servant de lieu d’impulsion alternatif au réformisme de la majorité confédérale. La prise du pouvoir est aussi pensée dans un schéma cohérent et directement reliée à l’action quotidienne. Les organisations nationales d’industrie préparent les statistiques, coordonnent l’action professionnelle dans la perspective de la socialisation des moyens de production sur une base confédérale.

Démoralisation et repli sur les appareils :

La tendance anarcho-syndicaliste n’a été que provisoirement battue. Mais elle va se réorganiser en s’appuyant sur une nouvelle génération de jeunes militants souvent peu expérimentés. Il faut analyser la situation politique pour comprendre l’émergence de l’anarcho-syndicalisme et le type de structuration qu’il va adopter. La situation politique de la France est complexe en 1920. Le Prolétariat vient de subir une de ses principales défaites. Le mouvement ouvrier européen a lui aussi commencé sa phase de repli, même s’il n’en est pas encore conscient. Et pourtant l’offensive ouvrière n’est pas stoppée. Au moment où se créent les CSR le syndicalisme italien engage une bataille déterminante. En Allemagne, la classe ouvrière conserve sa radicalité et laisse présager une prochaine offensive. L’espoir se renforce aussi en URSS où l’Armée rouge est en train de prendre le dessus sur les armées blanches et sur les agressions étrangères. Les militants se trouvent donc tiraillés entre deux sentiments, deux perspectives contradictoires. Il s’agit tout d’abord de se préparer à un embrasement généralisé de l’Europe, phénomène qui pourra redonner à la France un climat de relance révolutionnaire. Mais, en parallèle, un certain pessimisme produit déjà ses premiers effets. Le choc de la défaite de mai 1920 a été d’autant plus fort chez de jeunes militants, disposant d’une faible expérience et fragilisés par leurs lacunes politiques en raison de leur formation récente et superficielle. C’est dans ce terreau que va émerger l’anarcho-syndicalisme. Nous avons vu que dès 1919 le Parti communiste de Péricat se caractérise par les éléments politiques qui marqueront le courant anarcho-syndicaliste naissant. Ce courant se définit par un repli frileux sur l’appareil syndical et ce repli s’accompagne par la production d’un discours philosophique abstrait destiné à justifier un sectarisme d’appareil. Le courant anarcho-syndicaliste sera relativement faible en France. Il implosera rapidement sous la pression des logiques individuelles et de son corporatisme la minuscule CGT-SR ne regroupant qu’une petite minorité des scissions de 1924-25. Mais dans le contexte de 1920-1921, il bénéficie d’une situation favorable. Il aura donc un impact profond sur l’action des CSR. D’autant plus que les militants de la VO commettront l’erreur de laisser des mandats importants à ce qui n’est encore qu’une sensibilité et qui deviendra rapidement une fraction clandestine agissant au cœur même du Comité central des CSR. Plusieurs militants se font rapidement remarquer au sein de cette mouvance. Leur parcours personnel est aussi caractéristique de l’opportunisme et des logiques individualistes de ce type de militants démoralisés. La chasse au mandat et aux postes de permanents est une caractéristique de ce courant bien avant qu’elle n’atteigne ses rivaux du PCF en 1923.

À partir de septembre 1921, Le Libertaire se fait de plus en plus le propagandiste de la scission. Colomer, qui finira sa vie dans le très stalinien PCF, écrit le 14 octobre dans cette revue « non seulement je crois la scission inévitable mais je la crois indispensable … Préparons-nous résolument, organisons nous, faisons aujourd’hui cette CGT suivant nos vœux : la Confédération générale des travailleurs révolutionnaires ». La revendication d’un syndicat affinitaire est désormais parfaitement assumée malgré la totale contradiction avec la Charte d’Amiens. Cette position ne va cesser de se renforcer dans le mouvement libertaire. Une large fraction des anarchistes soutiennent désormais les manœuvres des « syndicalistes purs », utilisant cet affrontement comme moyen de marginaliser l’influence du Parti Communiste. Comme dans toute période de reflux du mouvement ouvrier, on voit donc les logiques d’appareil et les références philosophiques prendre le dessus sur les intérêts de classe. En 1921, les anarcho-syndicalistes vont profiter de la vague d’exclusions au sein de la CGT pour valoriser leur perspective de scission syndicale. Cette politique va désormais être appuyée par l’action d’une direction clandestine composée de quelques dizaines de militants des CSR, le plus souvent des jeunes, mais alliés à quelques vieux militants aigris. Le Pacte est ainsi fondé clandestinement en février 1921. Il se fixe pour objectif premier de prendre le contrôle des organisations syndicales. Ses fondateurs justifient cette décision en prétextant la menace de bureaucratisation, argument amusant lorsqu’on étudie les parcours de ces militants et leur mode de fonctionnement. Le second argument serait le danger d’inféodation au PC, ce qui relève à cette époque d’un fantasme d’autant plus étonnant que la plupart des militants du Pacte viennent de ce même PC. D’ailleurs le Parti n’est pas en capacité d’imposer sa direction au mouvement syndical, ne serait-ce que parce que ses militants ne sont ni coordonnés ni unifiés. Bien peu de membres du Parti se permettraient de remettre en cause la Charte d’Amiens.
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Dès sa fondation, l’anarcho-syndicalisme adopte une structuration et une politique qui définissent sa nature. Ce courant se veut la création d’une confédération identitaire, explicitement « syndicaliste révolutionnaire ». C’est bien sûr nier la réalité d’une organisation syndicale qui regroupe bien au-delà des simples partisans de la Révolution. Cette position s’accompagne d’un fonctionnement des dirigeants sous la forme d’une direction occulte. Il n’y a pas de contradiction à cela puisque le mythe de la confédération révolutionnaire sert à limiter le travail de formation syndicale, à ne pas mener une politique d’unité, et au final permet à la bureaucratie de renforcer son contrôle sur les adhérents. Au congrès des CSR de juillet, à la veille du congrès de Lille, un secrétariat totalement acquis aux membres du Pacte est élu. Les membres du Pacte utilisent leur fonction pour populariser leur position scissionniste. Ainsi Quinton, dans L’Humanité du 28 août 1921, consacre un texte à « l’unité syndicale » en écrivant « la scission n’est plus à faire ; elle se fait ». La thèse de « l’unité syndicale à la base » commence à se cristalliser et sera reprise à la fin des années 1920 par les Staliniens. Elle permet ainsi de contourner la Charte d’Amiens pour faire croire que l’unité syndicale pourrait se créer spontanément en débordant les bureaucrates syndicaux. Cette conception est totalement abstraite et elle tente de justifier la scission et le sectarisme. Elle crée cependant l’illusion que les bureaucrates réformistes vont perdre toute influence et qu’ils vont disparaître avec un coup de baguette magique par le simple fait de créer une nouvelle organisation syndicale.

L’émergence de cette direction occulte et inexpérimentée ne sera possible qu’en raison des erreurs stratégiques commises par l’équipe de La Vie Ouvrière. Car leur démission du Comité central des CSR s’explique par l’influence grandissante de la tendance dans la CGT. Nous avons vu que les organisations sont conquises les unes après les autres. C’est vrai pour les fédérations (Cheminots, Bâtiment, Métaux...) mais aussi pour les plus importantes UD (Seine, Rhône, Isère…). A chaque fois, ce sont des responsables des CSR qui doivent animer les nouveaux secrétariats. Cette priorité accordée à l’action de masse n’est pas une erreur en soi mais elle tend à sous-estimer le rôle de la tendance, c’est-à-dire de la seule organisation réellement révolutionnaire dans le contexte actuel. On peut même affirmer que ce désengagement relatif des CSR est le reflet, chez de nombreux militants d’une conception encore confuse de l’utilisation qui doit être faite de chaque organisation syndicale. La question de la nature des syndicats va se retrouver au cœur de la scission mais aussi de la crise que vont traverser les CSR.

Une organisation révolutionnaire ou une tendance « large » ? Dès le Congrès de la Minorité à Orléans, la question de l’adhésion directe des syndicats aux CSR est posée. Cette adhésion est acceptée mais cette question a certainement été décidée trop rapidement et va donc laisser la place à un débat permanent. Ce débat ne relève pas simplement du formalisme ou de la tactique de développement. Le positionnement définit des stratégies relativement distinctes. Ceux qui estiment que les syndicats peuvent adhérer aux CSR, pensent par là même que la majorité de leurs membres sont déjà en capacité de prendre le pouvoir et de gérer la Société. Ceux qui partagent l’avis contraire vont se consacrer davantage au travail de formation mais aussi au maintien d’une CGT unifiée. Face à ces deux courants, là encore Marie Guillot fait figure de stratège dans sa conception de l’action révolutionnaire. Lors de la création des CSR de l’Enseignement, ces derniers se constituent uniquement comme des regroupements de militants. À la réunion de la minorité fédérale du 8 août 1920, Marie Guillot a obtenu un vote favorable à cette proposition. Les adhésions aux CSR de l’Enseignement seront exclusivement individuelles. Ces CSR seront donc des « sections » au sein de chaque syndicat départemental. Pourtant, dans la VO du 22 octobre 1921, Mayoux, lui aussi instituteur mais sous l’influence de l’anarcho-syndicalisme marseillais, brocarde les positions de Marie Guillot. Forte de son expérience des CSR de l’Enseignement, celle-ci défend des adhésions uniquement individuelles afin de ne rassembler au sein des CSR que des éléments réellement révolutionnaires. Son argument sera central : « Il est impossible qu’il se trouve un syndicat composé uniquement de minoritaires ». Mayoux lui répond avec une argumentation qui se veut très révolutionnaire en se présentant comme très optimiste : il ne faut pas attendre que tout le monde soit révolutionnaire pour faire la Révolution. Mais cette position, au final très partagée dans les CSR, va amener une sous-estimation des besoins en formation politique.

Ce développement des CSR se réalise sur une base relativement confuse quant à leur mode d’organisation et donc à leur finalité. S’agit-il d’une tendance regroupant des syndicats ou d’une organisation révolutionnaire composée des militants les plus conscients ? C’est peut être en région parisienne que la confusion est la plus grande. Ainsi le Comité départemental de la Seine qui regroupe à la fois les syndicats minoritaires et les noyaux CSR lance un appel « à intensifier la propagande pour amener la masse des syndiqués aux CSR ». Il est également demandé aux syndicats minoritaires « d’adhérer effectivement au CC du CSR ». C’est ce que font d’ailleurs de nombreux syndicats et sections dans ce département acquis aux thèses des CSR. Le débat se retrouve aussi en province. Ainsi, en Isère, Montmayeur propose la même tactique, ce qui est d’ailleurs refusé.

Très tôt la direction réformiste essaie de prévenir un basculement de majorité en tentant d’exclure les révolutionnaires. C’est la question de l’adhésion directe de syndicats aux CSR qui constitue la question la plus sensible, et surtout l’élément de faiblesse des CSR. Certaines organisations tombent dans le piège tendu par les bureaucrates. En novembre–décembre 1921, le débat s’engage dans la minorité sur la question de la désaffiliation des syndicats des CSR. Les partisans du retrait avancent principalement des arguments tactiques. Il s’agit pour eux de retirer aux majoritaires tout prétexte d’exclusion et donc de les désigner dans les faits comme des partisans de la division ouvrière. Car, c’est bel et bien l’adhésion des syndicats aux CSR qui sert de ciment bien fragile aux militants majoritaires. De nombreux syndicats majoritaires acceptent l’existence de tendances mais considèrent l’adhésion directe de syndicats comme facteur de division. Pour les partisans de la désaffiliation, cette position est un moyen de briser le front majoritaire, d’isoler les bureaucrates et de maintenir le plus longtemps possible, jusqu’au basculement, l’unité de la Confédération.

Les syndicats adhérents au CSR, confrontés aux menaces d’exclusion, vivent assez mal le choix de quitter leur tendance sous la contrainte. Rémy Raffin, du Syndicat des Mineurs de la Mure critique le 9 décembre 1921 dans la VO « l’amour propre des minoritaires » et estime que ces derniers se font manipuler en réagissant seulement avec leurs sentiments. Le 16 décembre 1921, Herclet écrit dans la VO un autre article contre la scission : « la CGT n’a pas besoin d’une lettre de plus pour être révolutionnaire, il suffit que nous agissions dans son sein pour qu’elle le redevienne ». Mais cette position est loin d’emporter l’adhésion de tous les SR et les débats dans la VO démontrent la montée en puissance de la sensibilité sectaire qui va rapidement se transformer en anarcho-syndicalisme.

Cette politique de la sensibilité sectaire est d’autant plus étonnante que la tactique des CSR apparaît gagnante. Car comme le fait remarquer Monatte « minoritaires est devenu synonyme d’unitaires ». Cette évolution est déterminante et pèse sur la bataille idéologique qui traverse alors la CGT et sur la légitimité des CSR. Mais il faut bien reconnaitre que de nombreux militants, souvent jeunes, ne disposent pas d’une formation politique solide. Il est donc rassurant de faire voter des motions révolutionnaires qui n’ont aucune portée lorsqu’elles ne s’appuient pas sur une stratégie de terrain.

Une démarcation commence donc à se produire au sein des CSR. On peut remarquer que les partisans de la désaffiliation sont constitués des militants qui demeureront les plus fidèles aux principes de l’unité ouvrière. Au contraire, les acteurs de la scission se retrouveront aux premiers rangs de l’anarcho-syndicalisme mais aussi parfois dans l’appareil stalinien.

La nécessité d’une tendance, impulsant une réflexion et une formation révolutionnaire, n’a pas été intégrée par tous. Ce travail d’élaboration patient a été marginalisé par un discours souvent abstrait et par la dynamique de conquête de l’appareil.

Cette minorité qui s’exprime au congrès de septembre est en train de devenir majorité avec le basculement de nombreux syndicats et UD. La poussée des révolutionnaires dans les organisations de la CGT impose à la direction confédérale de réagir rapidement. Elle pousse alors à l’exclusion de syndicats et de militants. Mais les syndicats « exclus » demeurent le plus souvent adhérents par l’intermédiaire de leur Fédération ou de leur UD. Il s’agit donc pour les syndicats « unitaires » de retirer leur adhésion aux CSR pour priver les dirigeants réformistes de tout prétexte d’exclusion. Les CSR pourraient ainsi disposer du temps nécessaire pour obtenir le basculement de nombreuses UD et Fédérations.

C’est dans ce contexte qu’est prise, le 29 novembre, la décision de convoquer un « congrès extraordinaire et unitaire de tous les syndicats confédérés ». Depuis Lille, la progression des CSR s’est confirmée et ils sont désormais majoritaires comme le confirmera ce congrès « unitaire ». Début décembre, le conseil d’administration de la CGT rédige un manifeste qui menace les UD et fédérations à l’initiative du congrès unitaire. Ce manifeste indique que si le congrès a lieu ces organisations « se seront placées d’elles mêmes hors de la CGT ». On les accuse de « cas de rébellion » et « d‘acte d’indiscipline caractérisé ». Mais cette politique de scission provoque un début d’implosion de la tendance réformiste. À la veille du congrès minoritaire, Villeval, secrétaire adjoint de la Fédération du Livre démissionne de son poste. Il refuse de cautionner la politique de scission. Le congrès unitaire de décembre va démontrer que les SR coordonnent désormais une majorité de syndicats. Tactiquement, ils ont bien manœuvré en invitant toutes les organisations favorables à l’unité. Cependant cette initiative n’est qu’un compromis. Les secteurs les plus sectaires des CSR ont obtenu le fait que cette réunion prenne le nom et la forme d’un « congrès ». Les bureaucrates réformistes ont donc beau jeu de déclarer que cet acte relève d’une scission effective. Il est en effet impensable pour beaucoup de syndicats à majorité réformiste de participer à ce congrès dissident.

La direction confédérale peut donc se féliciter d’avoir vu sa tactique couronnée de succès. La scission est effective à la fin de l’année. Elle perd son contrôle sur la majorité des syndiqués mais elle conserve un appareil confédéral, une CGT minoritaire mais indépendante, préservée de l’influence des révolutionnaires. Elle sort donc renforcée de la scission. Elle peut désormais manœuvrer librement sans le contrôle de la tendance SR.

La fin des CSR

La dissolution des CSR va se réaliser sur plusieurs mois. Elle est le produit d’un double phénomène. Nous avons déjà vu l’influence des anarcho-syndicalistes dans la crise que traverse le CSR à la fin de l’année 1921. Ce phénomène ne va cesser de s’accentuer car, au fil des mois, les CSR deviennent un obstacle à leur repli sur l’appareil. La création de la CGT-Unitaire, qu’ils souhaitent transformer en confédération affinitaire, retire de fait tout intérêt aux CSR. L’enjeu est désormais de prendre des postes dans le nouvel appareil en constitution. Pour les anarcho-syndicalistes, une tendance n’était utile que comme tremplin à leur démarche de conquête des postes de responsabilité. Dans une confédération affinitaire, une tendance révolutionnaire deviendrait une menace pour leur repli opportuniste et leur absence de stratégie. Comme nous allons le voir, les membres du Pacte entreprennent donc un véritable sabordage de la CE des CSR.

Le Comité central (CC) du CSR convoque le congrès de la Minorité pour le 23 décembre. Entre temps, les anarcho-syndicalistes ont pris les devants en faisant démissionner leurs trois secrétaires du CC. La démission des membres du Pacte ne vise absolument pas à favoriser un travail plus serein au sein des CSR mais au contraire à se donner les mains libres pour prendre le contrôle de la CGTU. Il est vrai que les caisses des CSR sont désormais vides et il apparait évident que les cotisations des syndicats vont désormais s’orienter vers la construction de la CGTU. Le congrès minoritaire du 23 décembre décide du maintien des CSR mais ceux-ci doivent changer de but, de stratégie et de caractère.

Dans la VO du 27 janvier 1922, la Commission Exécutive (CE) du CSR diffuse un texte faisant suite à un débat mené par cette même CE « sous quelle forme et avec quel programme cette organisation des CSR modifiés pouvait continuer son œuvre ». Cette CE se propose de maintenir l’œuvre sur une forme avant tout de groupe de réflexion « sur le terrain purement économique ».

La CE du CSR de la Seine définit l’objectif du CSR départemental désormais constitué uniquement d’individus : « groupements d’étude, d’éducation, de propagande et de vigilance syndicalistes », « diffusion permanente de la pensée syndicaliste ». Il est précisé que les CSR agiront « sans empiétement sur les attributions normales des organismes statutaires ». Les CSR constitueront pour la « CGT Révolutionnaire » ses « foyers d’étude et d’investigation philosophiques et économiques », ils s’occuperont de « la partie éducative si négligée jusqu’à ce jour ». La CE fait appel aux syndicats anciennement adhérents pour qu’ils constituent en leur sein des « comités syndicaux avec les éléments disposés à le faire ». Il fait également appel « aux anciens membres des noyaux minoritaires pour qu’ils continuent à travailler sous le même aspect organique, mais conformément aux directives nouvelles ».

Dans son article paru dans La lutte des classes du 25 août 1922, Godonnèche établit une description relativement objective des CSR. La déliquescence du CC fait qu’aucun lien n’existe avec les noyaux toujours actifs en province. C’est d’ailleurs ce qui explique la proposition soutenue par les anarcho-syndicalistes de soutenir la dissolution des CSR. Au congrès confédéral de Saint Etienne de la CGT-Unitaire en 1922, ils ont subi une large défaite. Ils désirent désormais créer une nouvelle tendance oppositionnelle, clairement hostile à la nouvelle direction « communiste » : le Comité de Défense syndicaliste, acquis à l’anarcho-syndicalisme et, qui doit donc nécessairement passer par la dissolution des CSR qui demeurent une tendance unitaire. Cette proposition va être combattue par de nombreux noyaux parisiens et par Godonnèche mais, à cette date, les militants sont pris par des tâches qui leur apparaissent à tort comme plus fondamentales. Ce sera la principale raison de la disparition des CSR.

En conclusion, nous pouvons dire que les CSR se trouvent placés en situation de crise finale. La lecture de la VO démontre une activité nettement déclinante des CSR locaux et départementaux. Leurs militants sont occupés à construire les UL et UD CGTU et à essayer de gagner à eux les syndicats hésitants. Dans chaque organisation, il faut éviter que la scission ne se transforme en crise durable, voire en disparition pure et simple. La reconstruction urgente d’un appareil amène les militants les plus influents à laisser de côté les réflexions révolutionnaires. L’espace est donc laissé vacant aux militants anarcho-syndicalistes sans envergure puis au PC. Cet abandon des CSR ne tient pas seulement à un manque de temps. Il démontre également les limites politiques des militants qui vont créer la CGTU. Débarrassée des « réformistes », cette confédération apparaît désormais comme l’outil révolutionnaire par essence. Cela démontre que le débat sur l’adhésion de syndicats aux CSR n’a pas été porté à son terme. La majorité des militants confond encore organisation de masse et organisation révolutionnaire. Mais dans le reflux ouvrier des années 1920, cette distinction va apparaître au grand jour. Ainsi, l’apparition de la tendance anarcho-syndicaliste est la démonstration du fait qu’une confédération qualifiée de « révolutionnaire » ne regroupe pas en son sein que des militants révolutionnaires, surtout si elle se veut être une organisation de masse.

De plus, les militants les plus conscients subissent un choc moral car eux seuls comprennent la signification politique de la scission. La CGTU et l’Internationale syndicale rouge servent de pôle de ralliement mais l’unité organique est de plus en plus fragile. Les anarcho-syndicalistes y intensifient leur politique de clivage idéologique. L’appareil bolchévique y exerce désormais une propagande permanente pour impulser la création de « noyaux communistes ». Cette atmosphère de division va favoriser le développement de logiques opportunistes et carriéristes. La tendance SR, disparue, est désormais incapable de redonner une dynamique collective aux militants. Les militants ne disposent plus de lieux où réfléchir collectivement et élaborer une stratégie révolutionnaire. Le terrain est désormais libre pour les organisations philosophiques. Elles se présentent comme une alternative à la division du mouvement ouvrier. Certaines se proposent de gérer à la place des travailleurs, les autres se limitent à coordonner la contestation sociale. Elles produisent des militants qui s’enferment dans une fonction de tribuns qui décident et gèrent à la place des syndiqués. Mais aucune n’est en capacité de répondre aux nécessités matérielles du Socialisme : avec quel outil la classe va-t-elle pouvoir gérer la nouvelle société ? Car le Socialisme n’est matériellement possible qu’avec des organisations de masse structurées au niveau professionnel et interprofessionnel. Ces organisations de masse doivent aussi avoir été éduquées par un outil de formation, une tendance interne.

Les CSR avait proposé un schéma cohérent. Ce schéma avait permis d’unifier tous les militants révolutionnaires de la classe dans une seule organisation. Mais cette initiative a été lancée trop tardivement, dans la précipitation.


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